La ville touristique de Djanet vit au rythme de la fête traditionnelle et millénaire de la Sbeiba, dont le coup d'envoi a été donné mercredi au milieu d'une forte présence de visiteurs nationaux et de touristes étrangers séjournant actuellement dans cette région de la wilaya d'Illizi. Ce rituel, auquel prennent part de nombreuses troupes et associations locales versées dans la musique, la danse traditionnelle et le chant de la région de Djanet, vise surtout à la préservation du riche patrimoine immatériel du Tassili N'Ajjer. Outre la cérémonie d'ouverture marquée par un défilé folklorique de troupes locales sous le rythme de la musique touarègue et de danses d'Alliouane, le programme de cette manifestation culturelle prévoit une exposition sur la Sbeiba à la bibliothèque communale de Djanet, des visites guidées à travers les ksour de El Mihan, Azelouaz et Adjahil, organisées par l'Office du Parc national du Tassili (OPNT), ainsi que des soirées musicales et artistiques animées par des troupes locales. Donnant un aperçu sur cette fête locale traditionnelle, Mme.Ouiza Guillèze, du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologique et historique (CNPRAH) d'Alger, a présenté la Sbeiba comme étant une danse traditionnelle historique, datant de quelques 1.230 ans avant J.C et représentant la plus vieille fête de la région. Cette fête est calculée sur le calendrier lunaire et coïncide avec l'Achoura, ce qui lui valut pendant longtemps, et de façon erronée, une confusion avec cette dernière, explique la chercheuse. Mais, poursuit-elle, cet amalgame a été définitivement levé, depuis que les médias ont redécouvert la région et que les historiens ont recommencé à s'interroger sur les traditions populaires oubliées, notamment dans le grand Sud du pays. Selon un rituel ancestral, la Sbeiba met en scène chaque année, près de l'oued de la ville de Djanet, une série de danses guerrière où deux groupes d'hommes issus de deux vieux Ksour "Kel-Mihane et Kel-Zelouaz", parés de leurs plus beaux costumes traditionnels célébrent un pacte de paix conclu entre les Oraren et les Tar'Orfit (leurs aieux). Cette accord a mis fin à l'une des guerre fratricides les plus longues de l'histoire des tribus Ajjers, selon la légende. Le choix des participants est défini par des "Chouyoukh" venus de tous les quartiers, qui ont pour rôle de désigner la meilleure équipe, à travers notamment les costumes, la gestuelle, les chants et les représentations. Dans cette danse de guerriers, il y a quelque chose de sacré. Les masques ''Takanbout'', qui se transmettent de génération en génération, soigneusement conservés, sont exhibés une fois l'an, à l'occasion de cet évènement unique, explique la chercheuse. Les danseurs portent un habit appelé "Takamest" et des sandales "Tamba" et portent dans une main un sabre et dans l'autre un foulard. Les femmes jouent des tambours par rythmes appelés "Ganga" pour accompagner les guerriers danseurs en entonnant le ''Tissiouan'', un chant traditionnel. Cette chorégraphie particulière prend fin dans une apothéose grandiose marquée par l'arrivée, sur des dromadaires richement parés, des "imgharen" (doyens et sages) des quartiers de Azelouaz et El Mihan, au milieu de chants et de musiques. Outre cette activité culturelle, plusieurs activités économiques, commerciales et artisanales sont organisées au niveau des places publics et des magasins de Djanet. La fête annuelle de la Sbeiba, qui puise son origine dans l'histoire ancienne des Touaregs du Tassili N'Ajjer, se tient depuis le premier jour de l'an de l'hégire (Moharrem) pour durer jusqu'à l'Achoura. Une table ronde sur le patrimoine immatériel de la région d'Illizi, suivie de la projection d'un court métrage sur la Sbeiba et des émissions radiophoniques sur la thématique du patrimoine immatériel du Tassili, se tiennent en marge de cette fête locale.