2010 aura été au Maroc une année marquée par un bras de fer entre les syndicats et le gouvernement sur le front social avec des grèves à répétition dans différents secteurs économique, administratif, éducatif et judiciaire pour la satisfaction des revendications des travailleurs et pour l'ouverture d'un débat sur la question de la réforme du système des retraites. Ce conflit a culminé avec la grève générale observée au début du mois de novembre, à l'appel de cinq centrales syndicales, dans la fonction publique, les collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif, avec une "forte adhésion" et un "succès dans la mobilisation", selon ces syndicats. Avec le recours à cette mobilisation sociale lancée par l'Union marocaine du travail (UMT), la Fédération démocratique du travail FDT), l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM) et l'Organisation démocratique du travail (OMD), les centrales syndicales entendaient dénoncer les "maigres résultats du dialogue social" conduit au cours de l'année. Elles entendaient aussi afficher leur refus de faire les frais de la crise économique mondiale et ses implications sur la situation sociale des travailleurs. Par ce mouvement unitaire, les syndicats exigeaient la satisfaction des revendications minimales des travailleurs du secteur public notamment l'augmentation des salaires et des pensions de retraite, parallèlement au renchérissement du coût de la vie, la réforme du système de la promotion qui devrait ouvrir la voie à la promotion interne exceptionnelle des ayants-droit, la réforme du système mutualiste. Les cinq syndicats visaient surtout une résolution adéquate de la crise du système de retraite qui suscite présentement un débat entre partisans et adversaires de la mise en application de la réforme, en projet au niveau du ministère de l'Economie tandis que les dispositions de la loi de Finances 2011 n'augurent, selon eux, d'aucune amélioration de la situation sociale. En effet, le programme de réforme des retraites au Maroc envisage une retraite à 65 ans, dès 2016, pour le secteur public et 62 ans pour la Caisse nationale marocaine de sécurité sociale (CNSN) avec une hausse de la cotisation. L'âge de la retraite est actuellement fixé à 60 ans tant dans le secteur privé que public, mais seuls les fonctionnaires et une minorité de salariés du secteur privé bénéficient de la couverture retraite. Près de 80% des travailleurs du secteur privé au Maroc n'ont pas de couverture retraite et à peine 25 % des 11,3 millions d'actifs bénéficient de cette couverture. L'exécutif estime que la réforme est indispensable et constitue une "précaution d'urgence" pour éviter une sérieuse crise des caisses de retraites dont les déséquilibres escomptés peuvent entraîner un déficit de l'ordre de 16 milliards de Dirhams (1,5 milliard d'euros) en 2013. Pour les syndicats, le relèvement de l'âge de départ à la retraite aurait un effet négatif sur les jeunes confrontés à un fort niveau de chômage et entraînerait une baisse de la consommation des ménages. Ils notent aussi la "contradiction" entre l'adoption par le gouvernement de la retraite volontaire et son intention de repousser l'âge de la retraite. Pour cela, Ils réclament la contribution des partis politiques, des centrales syndicales et de la société civile pour la réussite de ce dossier névralgique avec l'instauration d'un débat national et un avis du Bureau international du travail (BIT). Mais, malgré la multiplication des grèves et de leurs coûts élevés, le gouvernement marocain semble déterminé à appliquer des réformes au grand dam des syndicats qui appellent à appréhender avec sérieux le processus du dialogue social à travers son institutionnalisation effective au lieu de se contenter d'annoncer les résultats de ses différents rounds. La FDT dénonce ainsi les "coups durs" portés à la classe ouvrière au niveau des droits et des libertés syndicales au sein de certains établissements publics et privés et revendique l'arrêt du licenciement individuel et collectif au sein de ces sociétés. Au regard du nombre de grèves enregistrées durant l'année 2010, et de la "détermination" des syndicats à ne pas lâcher prise par rapport aux revendications des travailleurs, le front social au Maroc connaîtra, sûrement, d'autres crises durant l'année qui s'annonce. D'ailleurs, les syndicats n'ont pas manqué d'exiger l'ouverture de négociations sociales crédibles aux niveaux national et sectoriel, la sauvegarde et le renforcement des libertés syndicales, autrement, annoncent-ils, d'autres actions plus avancées seront organisées telles que des marches nationales et des sit-in devant les institutions étatiques. A cause de ces grèves, environ 300.000 journées de travail ont été perdues en 2009 au Maroc, soit une hausse de 180 % par rapport à 2008, selon le Centre marocain des conjonctures (CMC).