Quand Bouteflika prend une décision, ses subalternes font aussitôt le contraire Ce n'est plus de la cacophonie, c'est de la schizophrénie ! Quand le président Bouteflika annonce une décision, ses ministres, ses walis, ses sous-préfets le rattrapent très vite pour soutenir le contraire. Le président décide d'une chose, ses subalternes font l'inverse. Deux exemples illustrent parfaitement cet état schizophrénique qui règne au sein des multiples centres de décisions en Algérie : l'ouverture des médias publics à l'opposition et l'autorisation des marches à l'intérieur du pays. L'ouverture des médias publics. L'engagement du chef de l'Etat à ouvrir les médias publics à l'opposition, même s'il est permit de douter de la sincérité de cet engagement, a été pris lors d'un Conseil des ministres. Jeudi 3 février, le président Bouteflika affirmait que les médias publics doivent s'ouvrir à l'opposition et à la société civile. Mercredi 2 mars, soit un mois presque jour pour jour, son ministre de la Communication, Nacer Mehal, annonce que cette ouverture n'est pas encore à l'ordre du jour. Que disait le président Bouteflika jeudi 3 février ? « La télévision et la radio doivent donc assurer la couverture des activités de l'ensemble des partis et organisations nationales agréés et leur ouvrir équitablement leurs canaux (...) L'accès des partis politiques à la télévision et aux radios, aucune loi ou instruction ne l'ont jamais interdit à quelque formation ou association légale que ce soit ». Que dit son ministre de la Communication mercredi 2 mars ? « L'ouverture de l'audiovisuel n'est pas encore à l'ordre du jour à ma connaissance », dit-il. Vous avez bien lu. L'ouverture des médias publics n'est pas à l'ordre du jour, à la « connaissance » du ministre de la Communication. Soit le ministre de la Communication n'a pas été destinataire d'une directive claire, d'une instruction présidentielle précise, lui enjoignant d'ouvrir la télévision et la radio à l'opposition, soit le président Bouteflika brasse du vent. Dans tous les cas de figure, la parole du président Bouteflika ne passe plus. L'autre exemple n'est pas moins édifiant. Il s'agit des marches à l'intérieur du pays. Le gouvernement algérien martèle depuis plus d'un mois que les marches ne sont pas autorisées à Alger. Néanmoins, il s'est aménagé une fenêtre d'ouverture en affirmant que ces marches sont autorisées ailleurs qu'Alger. Au cours du même Conseil des ministres du jeudi 3 février, Bouteflika affirme solennellement – ses propos tenus devant ses ministres ont fait l'objet d'un communiqué officiel publié par l'agence APS et lu à la télévision nationale -, que les marches et les manifestations publiques sont autorisées sur tout le territoire national, excepté dans Alger la capitale. Et que font donc son ministre de l'Intérieur, ses walis et ses sous-préfets ? Ils refusent d'accorder des autorisations à des Algériens qui souhaitent organiser des marches dans les villes d'Alger. C'est le cas à Oran et à Batna. En clair, quand le président décide d'une mesure, annonce une décision, donne des instructions pour que celles-ci soient appliquées, il est aussitôt pris à revers par ses subalternes. Il est aussitôt contredit. C'est tout de même ahurissant ! Invraisemblable ! Soit le président de la République n'a plus aucun pouvoir, n'a aucune emprise sur ses ministres, sur l'administration publique, soit il s'agirait alors d'une division de travail savamment orchestrée. A savoir que Bouteflika fait semblant d'engager une ouverture politique, fait mine de faire des concessions, à charge pour le gouvernement et pour l'administration locale d'agir concrètement sur le terrain pour saborder, saper et bloquer cette prétendue ouverture vers les partis de l'opposition et la société civile. Mais dans tous les cas de figure, ce mode de gouvernance à la petite semaine, cette manière aléatoire de gérer les affaires du pays, cette propension à donner un coup de barre à gauche, puis un coup de barre à droite, tout cela donne une image absolument catastrophique et pitoyable de nos gouvernants, du président de la République jusqu'au plus petit responsable de l'administration. Pire. Ce mode de gouvernance renvoie l'image d'un pays à la dérive, d'un président qui n'est plus en mesure de faire respecter sa parole, ses décisions, ses engagements.