L'émission politique «Saat Hiwar» qui doit être animée par Thouraya Zarfaoui, et qui devait accueillir des membres de la classe politique, a été bloquée. La nouvelle était attendue depuis la chute de Ben Ali, et l'ouverture politique dans les médias tunisiens était perçue comme une avancée dans le Maghreb, mais «un recul de la liberté d'expression» en Algérie. Alors qu'on attendait dans le paysage politique et médiatique un remaniement du gouvernement, la nouvelle d'une ouverture politique dans les médias publics était accueillie par les journalistes au 21, boulevard des Martyrs, comme un soulagement et une libération. Ainsi, le président Bouteflika a pris tout le monde de court en demandant, ce jeudi 3 février, à l'Entv et à la Radio nationale, d'assurer la couverture de tous les partis politiques agréés. Le président de la République a déclaré, lors du Conseil des ministres, qu'aucune loi ou instruction n'a jamais interdit à quelque formation ou association légale que ce soit, de s'exprimer dans les médias publics. Ce qui est à la fois, vrai et faux. En effet, lors des débats à l'APN, la Télévision nationale n'a jamais coupé le signal quand le député Nourredine Aït Hamouda, critiquait sévèrement le Premier ministre ou le pouvoir lors des débats de politique générale. La vidéo de l'intervention du député Aït Hamouda avec le logo de l'Entv sur le côté, fait le tour de la Toile et cela grâce à la diffusion de l'Unique. Mais en dehors du Canal des institutions comme l'APN, l'Entv ou la radio ne couvrent pas les activités du RCD et ne prennent pas la peine d'en faire l'écho de ses actions. La radio et l'Entv ne couvraient en fait, que les activités des partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) ou des formations favorables au pouvoir, comme le PT de Louisa Hanoune. La même Entv, et à un degré moindre, la Radio ne couvrent pas aussi les activités du FFS, ou encore du Pags, ou tout autre parti légal, non présent dans les assemblées élues. Ce qu'on reproche en fait à l'Entv et l'Enrs, c'est surtout l'absence d'une émission hebdomadaire à caractère politique, qui donne la parole aux partis politiques, que ce soit de l'opposition ou même ceux de l'Alliance présidentielle. L'inexistence de directive claire d'en haut a poussé même la Télévision nationale à ne pas nommer le nom du parti du RCD, en reprenant le communiqué de la wilaya d'Alger, lors de l'interdiction de la marche programmée par celui-ci. Ce qui a provoqué l'ire du parti de Saïd Sadi qui s'est exprimé sur d'autres médias étrangers avec une violence verbale plus aiguë envers le pouvoir. Et pourtant, il y avait des signes de changement de ton dans les médias publics. Les différents reportages sur le chômage critiquant la politique du gouvernement dans le JT de 20h à l'Entv, la sortie médiatique du député Mokri à la radio qui critique l'action du gouvernement, la liberté de ton à l'agence APS (réputée pour sa langue de bois) et qui a osé, il y a quelques jours, critiquer le blocage du film de Krim Belkacem, par le ministère des Moudjahidine. Même El Moudjahid a changé de ligne en adoptant un ton et surtout une «une» plus réfléchie ou ouverte sur la démocratie. Depuis son arrivée, Nacer Mehal, le ministre de la Communication a promis que les débats contradictoires à la télévision et dans les radios publiques, mais il a dû faire face à plusieurs obstacles, dressés par quelques ministres collègues, qui voyaient d'un mauvais oeil que leur secteur soit critiqué ou traîné dans la boue. Une émission politique était même prête. «Saât Hiwar» qui devait être animée par Thouraya Zarfaoui, et qui devait accueillir des membres de la classe politique, a été bloquée d'en haut. La direction de la télévision n'avait pas reçu le O.K. pour lancer cette émission qui allait consacrer la liberté d'expression sur l'Entv. On a lancé discrètement une émission présentée par Samia Azzi «Ahouel Ness», diffusée en seconde partie de soirée, le mercredi. L'émission «Daïret Dhou» de Karim Boussalem, qui devait présenter un numéro sur les événements en Tunisie, n'a pas été autorisée également. En revanche, la rédaction de ce magazine a pu jumeler les événements de la Tunisie et de l'Egypte, pour en faire un spécial du numéro dans Le Monde arabe. Cette récente directive du président Bouteflika est aujourd'hui plus claire aux yeux des responsables de l'Unique, a affirmé une source à l'Entv. Depuis jeudi, des changements sont encore apparus dans le traitement de l'information. Vendredi 4 février au Journal de 20 heures, on a, pour la première fois, donné la parole aux partis de l'opposition, puisque l'Entv a montré les réactions du RCD, du FFS, d'El Islah et d'Ennahda à l'annonce de la levée prochaine de l'état d'urgence en Algérie. Ennahda a même eu droit à quelques secondes d'images: un extrait du discours de son secrétaire général, Fateh Rebaï, prononcé à l'occasion de la session extraordinaire du majliss echoura du parti, où il a critiqué la démarche du président Bouteflika. Mais cette décision du chef de l'Etat s'avère insuffisante pour l'opposition et certains hommes politiques. L'opposition réclame, en effet, l'ouverture du champ médiatique au privé. Mais pour le moment, le pouvoir ne semble pas prêt à faire des concessions concernant ce volet.