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Touhami Benflis, vie et mort d'un nationaliste dans les Aurès
Publié dans Batna Info le 27 - 11 - 2012

L'Algérie a enfanté des hommes et des femmes libres. Une composante humaine au sens élevé du devoir et du sacrifice, où l'esprit de partage, d'amour et de générosité a été le dénominateur commun qui unissait les algériens entre eux, sous le monstrueux enfer joug colonial français, broyeur et barbare, pendant la longue nuit des ténèbres et des supplices.
Le rayonnement de cette grandeur d'âme, le volontarisme pour le sacrifice et la solidarité humaine sont relatés dans le splendide ouvrage, intitulé, La vie du Chahid Benflis Touhami, dit Si Belgacem, écrit collectivement par la famille Benflis, sur les péripéties de leur père, l'hislahiste, résistant et chahid, après un long travail de recherches et d'informations, de collectes de témoignages et de photos, sur son parcours révolutionnaire et intellectuel, avant et pendant la révolution de libération nationale du 1er Novembre 1954, riche par les événements qu'il a marqué de son vivant.
En lisant ce livre témoin, sur le cheminement du chahid Si Belgacem, de Ouled Chelih, de l'orgueilleuse et rebelle historique wilaya des Aurès, on découvre qu'il n'a cessé de porter haut la parole de Dieu et de fortifier l'amour de la patrie à tous ses proches, en prêchant sans relâche, la voix du juste, galvanisant avec ténacité la lumière de la foi et propageant avec bravoure le nationalisme combattant pour la liberté, la justice et la dignité pour tous.
Dans ce livre, son benjamin fils, Ali Benflis (avocat, ancien président de la ligue algérienne des droits de l'homme, ministre de la justice, chef du gouvernement, secrétaire général du FLN), le souligne affectueusement à son père, Si Belgacem, en signe de reconnaissance : Cet ouvrage d'une documentation de qualité, nous offre une lecture saisissante et captivante, sur la vie du chahid, si Belgacem, qui après des études brillantes, de Sidi Okba et Constantine, en passant par la célèbre Zitouna de Tunis, il se mobilisa “dès son jeune âge”, dans toutes les campagnes de résistance contre le colonialisme française, en s'impliquant presque dans tous les mouvements nationalistes de l'époque, en s'intégrant activement dans les associations, telles que les Oulémas musulmans algériens, la mosquée “El Atik” de Batna, rejoignant ensuite l'UDMA de Ferhat Abbas.
Il aimait aussi partager la vie des hommes, participer aux actions de bienfaisances, en répondant à tout appel pour contribuer à la construction et financement de multiples medersas à Batna. Il a même fondé avec ses propres deniers et sur sa propriété une école coranique, par défi patriotique, pour préserver la personnalité algérienne. Il n'hésitait pas aussi, par solidarité aux plus démunis, à prendre en charge l'instruction et l'hébergement des enfants nécessiteux de la région.
Dans ce livre révélateur de sa vie militante, culturelle, religieuse et patriotique, il a eu à fréquenter les grands hommes de l'époque tels que Cheikh Bachir el Ibrahimi, Cheikh Larbi Tebessi, et des poètes de grande renommée Mohamed Laid, Khelifa et Mohamed Chebouki, qui lui témoignèrent de l'amitié et du respect au regard de sa forte personnalité, imprégnée de nationalisme patriotique, de son large savoir culturel et religieux, inspiré sur la tolérance et l'ouverture sur le monde, bannissant l'obscurantisme et l'extrémisme pour des espaces et des horizons de lumière et de progrès.
Cet ouvrage plein d'émotions qui vient enrichir la mémoire collective nationale et lever un segment de voile sur l'histoire de l'Algérie sous l'occupation coloniale, se veut aussi, comme un hommage et une gratitude des enfants à leur père, comme l'extériorise si humblement, son benjamin fils, Ali Benflis, en écrivant : Lors des tragiques massacres du 8 Mai 1945, le chahid Si Belgacem, fût emprisonné par les forces coloniales françaises durant plusieurs mois à Batna. De par son caractère d'homme des Aurès, par son mental de fer, tenace et intransigeant sur les principes du devoir et du sacrifice, cet internement renforça encore plus sa détermination, qui – à l'aube du déclenchement de la guerre de libération nationale, le 1er Novembre 1954, sa ferme située à «Fesdis», dans la localité de Batna, fût déjà, au début de l'insurrection, une base de l'ALN-FLN, un refuge pour les moudjahidines, fournissant la logistique avec ses propres deniers, en armes, nourritures et habillements aux combattants.
Par cette activité guerrière clandestine, il était en contact direct avec les chefs de l'historique wilaya 1, dont le célèbre et grand moudjahid, Abidi Mohamed Tahar, dit, Hadj Lakhdar. Fiché et espionné par l'administration et sa police coloniale, il poursuivit malgré tous les dangers pour lui et sa famille, son combat de résistant, jusqu'à la fatidique nuit de Février 1957, la secrète milice, la « Main-Rouge » une organisation paramilitaire de pieds-noirs, qui à semé la terreur en Algérie, semblable à celle de l'OAS des années 60, a attaqué et envahie son domicile à Batna dans le but de l'intimider et de le menacer, lui et sa famille. Il l'a affronté avec ses mains nues, l'obligeant à s'enfuir comme des lâches, grâce à sa force en la foi et son acharnement à défier l'occupant.
Cet affront subi par ces ultras s'est répandu le lendemain dans toute la ville de Batna et ses environs. Cet exploit héroïque fut perçu par la population algérienne locale, comme un événement de fierté et d'exemplarité. Ce qui indisposa grandement l'administration coloniale. Elle décida alors de se venger de lui et sa famille. Ainsi, le 09 mars 1957, elle fit appel cette fois-ci, au rouleau compresseur de l'armée française pour le neutraliser et l'arrêter également avec son fils ainé, le chahid Amar Benflis, dit Tahar.
Pendant des jours et des nuits, ils subissent les humiliations et les tortures au plus fort du supportable humain, pour être ensuite transférés, clandestinement, loin des regards, dans un camion militaire bâché, avec d'autres prisonniers, comme des loques, les mains ligotés derrière le dos, les pieds entravés à l'aide d'une corde et les têtes encagoulées, vers le sinistre lieu appelé Dar Benyacoub à Biskra.
En ce lieu horrible, ils subissent à nouveau, le martyr des sévices, les affres de la torture abominable, et les traitements les plus barbares, avant qu'ils ne soient trainer, à moitié cadavérique, vers leur destination finale, de l'horreur, la “corvée de bois”, où ils furent achevés, assassinés, et leurs corps jetés aux abimes de l'inconnu, disparus, à ce jour jamais retrouvés. Le destin a voulu que se termine ainsi la vie de Si Belgacem. Son vœu le plus cher de sacrifice pour l'Algérie fut exaucé. Il est mort avec son fils ainé Tahar, avec l'ultime conviction du devoir accompli. Ce témoignage des conditions de détention et d'assassinat ne seront portés à la connaissance de la famille Benflis, que bien plus tard, à l'indépendance nationale en 1962, soit cinq longues années après ce carnage, par un codétenu, miraculeusement épargné du massacre, le docteur Madaci Mohamed Larbi, militant de la cause nationale, dans un ouvrage intitulé “l'initiation”.
C'est un double crime que la famille Benflis, par modestie, cache mal sa peine et sa douleur, non apaisées, pour les corps disparus, privés de sépulture, pour atténuer leur deuil consolateur dans la paix du miséricordieux.
Ali Benflis, son fils benjamin écrit dans ce livre, ces lignes émouvantes : On remarquera aussi dans ce témoignage écrit, que les sacrifices de la famille Benflis ne se limitent pas eux seuls, Chahid Benflis Touhami, dit Belgacem, et son fils ainé le Chahid Amar Benflis, dit Tahar, mais aussi sept autres martyrs très proche, qui ont donné leur vie à la révolution algérienne.
On cite parmi ces héros, le petit Amor Benflis, un fidaï, connu à Batna, un enfant adolescent, âgé à peine de 17 ans, qui fut aussi arrêté par l'armée française, et détenu dans la ferme “Lucas”, appartenant à un pied noir colon français, à Ain Skhouna, près de Batna, après avoir subi, comme de tradition dans cette armée sans gloire, les tortures et le calvaire des sévices inhumains, pendant qu'il était menotté, fut lui aussi, achevé, assassiné froidement, exécuté par arme à feu, à bout portant. Sa dépouille fut jetée dans la nature, son cadavre non retrouvé est à ce jour disparu. Même morts, les martyrs font peur aux soldats de la France.
A elle seule, la famille Benflis, a payé un lourd tribu, en donnant à la Révolution du 1er Novembre 1954, neufs martyrs, morts pour la patrie, en grands et valeureux chahids. Cet ouvrage riche en découverte, retraçant fidèlement les atrocités de la France en Algérie est une contribution incitative et encourageante pour l'écriture de notre histoire dans toutes ses lumineuses vérités à la face de la France, son armée, et ses envahisseurs colons complices de tous les carnages qu'a connue cette innocente terre d'Algérie.
Par les faits irréfutables, l'histoire rend la France, coupable de la pratique de la Terre brulée, de génocide à grande échelle, qu'elle a infligée au peuple algérien, pendant les sept années et demi de guerre, qui s'est soldée, il faut le rappeler au monde, par l'extermination de 19% de la population martyre algérienne de l'époque, entre, enfants, femmes et hommes, et la disparition à ce jour, de milliers de corps de chouhadas.
Comme parmi tant d'autres ouvrages parus à ce jour, sur notre histoire, ce livre de la famille Benflis est une énième cinglante gifle retentissante à la France, pour ses violations graves aux valeurs fondamentales de l'humanité en Algérie, à sa mauvaise conscience qui en toute vérité historique, elle a été de tous les temps, le vivier des non droits de l'homme et le berceau de la négation humaine, le contraire bien vrai de ce qu'elle prétend sans rougir, en nous agaçant à la longue, que c'est un patriotisme exclusif de son histoire et de sa politique, un habillage trompeur de sainteté et angélique image de respectabilité.
Elle est coupable de crimes de guerre et de crime contre l'humanité, selon les normes juridiques universelles, ainsi que de mensonges d'Etat par ses inlassables escroqueries falsificatrice des événements pour se déculpabiliser et se dérober au verdict de l'histoire.
De nos jours encore, avec une impudeur inouïe, elle persiste et signe dans ses retournements de certaines verités politiques, à jubiler et sans retenue, à glorifier le colonialisme de « bienfaits civilisationnels », honteusement proclamés et immoralement vantés par sa célèbre outrageante et scandaleuse loi votée par son parlement en 2005, avec l'habituelle indécence et son coutumier mépris, qu'elle a toujours affichée à l'endroit des peuples de ses anciennes colonies.
Malgré son continuel déni de repentance, et le devoir civilisationnel de se plier à la reconnaissance de ses crimes pour la morale de la Justice et l'inviolabilité de la vérité, n'en déplaise à la France, l'Algérie est entrée dans l'histoire de plein pied et par la grande porte, par le un million et demi de martyrs, comme ceux de la famille Benflis, et qu'elle soit certaine, à ne point en douter, que l'Algérie et ses nobles et justes causes finissent toujours par triompher.
Chemsedin Boudjedra
La vie du Chahid Benflis Touhami dit Si Belgacem


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