La France accueille lundi et mardi à Paris une réunion des ministres des Affaires étrangères du G8, qu'elle va presser d'accepter l'établissement rapide une zone d'exclusion aérienne en Libye, face à progression des troupes loyales à Mouammar Kadhafi. Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a salué dimanche l'appel de la Ligue arabe à instaurer une telle interdiction de survol. "Afin de remplir ces objectifs, la France va accélérer, au cours des prochaines heures, ses efforts, en concertation avec ses partenaires de l'UE, de la Ligue des Etats arabes, du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil national libyen de transition", a-t-il assuré, précisant que la question serait au coeur des débats du G8 à Paris. A l'exception de la Chine, les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU seront tous présents à Paris, ainsi que l'Italie, ancienne puissance coloniale en Libye et acteur clé de la crise, l'Allemagne, le Canada et le Japon. Après plusieurs réunions entre Occidentaux qui n'ont pas permis de trancher la question, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et ses homologues européens pourront se concerter avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dont la position reste également floue. Le sentiment d'urgence est d'autant plus fort que les troupes du colonel Kadhafi ont repris plusieurs villes vers l'Est de la Libye et progressaient dimanche vers Benghazi, siège de la rébellion. Jusqu'à présent, les Européens, divisés entre eux, sont hésitants face à l'option militaire. Aucune mention d'une zone d'exclusion aérienne n'a été faite dans la déclaration finale du sommet européen vendredi à Bruxelles contrairement aux voeux de Paris et Londres, qui ont aussi évoqué la possibilité de frappes aériennes "ciblées". Mais nombre de leurs partenaires, Allemagne en tête, se sont montrés nettement plus réservés, redoutant d'être pris dans un engrenage militaire. En tout état de cause, l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis insistent sur la nécessité d'un mandat de l'Organisation des Nations unies (ONU) en vue d'une telle mesure. La mise en place d'une zone d'exclusion aérienne requiert, selon certains experts, des centaines d'avions pour interdire le survol du territoire et empêcher Mouammar Kadhafi d'utiliser son aviation contre les rebelles. Le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a déclaré samedi que les Etats-Unis et leurs alliés avaient la capacité d'imposer cette zone mais que la question était "de savoir s'il est sage de le faire, et la discussion est en cours au niveau politique". Côté russe, la position n'est guère plus définie. Tout en s'opposant à toute ingérence étrangère, Moscou, qui a fini par voter fin février une résolution de l'ONU imposant des sanctions au régime du colonel Kadhafi, s'est dit prêt à examiner les plans visant à imposer une zone d'exclusion aérienne. Pour la France, la nécessité d'une action urgente contre le colonel Kadhafi est d'autant plus grande qu'elle est le seul pays à avoir formellement reconnu le Conseil national de Transition, instance représentative de la rébellion, installé à Benghazi. L'UE s'est limitée à le considérer comme "un interlocuteur politique légitime". Quant à Hillary Clinton, elle prévoit d'avoir un contact lundi à Paris avec un de ses représentants. La Libye devrait être le principal sujet de cette réunion ministérielle qui doit préparer le sommet annuel des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 à Deauville (ouest) en mai, la France présidant cette année le G8 et le G20. Le séisme au Japon, la place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale, les dossiers régionaux chauds comme la Somalie, la Côte d'Ivoire ou le Soudan, ou encore l'impasse dans le conflit du Proche-Orient, seront également à l'ordre du jour de ces discussions prévues lundi soir et mardi.