Les autochtones à la faveur du nouveau découpage annoncé par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales trouvent tout à fait normal que leur ville soit promue chef-lieu de wilaya déléguée. Tlemcen. De notre bureau Peuplée de 114 000 habitants, selon le dernier recensement, même si ce chiffre est fortement contesté en ce sens que, pour une raison ou pour une autre, des centaines de domiciles n'ont pas été comptabilisés, Maghnia, qui tire son nom d'une femme sainte, atteint facilement les 200 000 âmes (elle compte 64 000 électeurs et le calcul est facile quand on sait qu'en moyenne, la famille algérienne est composée de 4 membres). Située à l'extrême ouest du pays, la ville du premier président de la République n'a été « (re)mise sur orbite » qu'avec la réhabilitation officielle de Ahmed Ben Bella. C'est une ville qui a toujours été dans l'œil du cyclone. Malgré sa situation géographique enviable et ses ressources, elle a toujours été délaissée par les pouvoirs publics au point qu'elle avait du mal à se mouvoir dans un environnement semi-rural (ou semi-urbain ?) Pis, pour la condamner davantage, on l'affublait injustement de ville de contrebande. Elle était sous embargo et le terme n'est pas exagéré. Pour preuve, le passavant instauré à 35 km de la ville avait tué économiquement la ville, alors que les frontières demeuraient une passoire. Une boutade pour illustrer cette bêtise : beaucoup d'Algériens du sud du pays, pour visiter Maghnia, prenaient la précaution de venir avec leur passeport. Depuis ces quatre dernières années, et à la faveur du programme du développement local, Maghnia a changé de visage. Pour Hocine Abdelmalek, premier vice-président de l'APC, « nous n'avons pas suffisamment d'argent pour avancer, mais ce qui nous stoppe c'est l'administration communale. L'élu appelé à s'occuper du développement, se retrouve empêtré dans des considérations administratives ». D'après lui, on ne peut pas aller de l'avant quand une simple facture reste impayée pendant trois ans. « Savez-vous que Maghnia n'a pas bénéficié de lotissements ni de programmes de logements depuis 1997 ? C'est vous dire que cette région a été complètement ignorée. » Néanmoins et de l'avis de tous, depuis 2004, celle qu'on appelle, à tort ou à raison, la vitrine du pays, a récupéré tous ses droits ou presque, si bien que les communes limitrophes soupçonnent un certain privilège accordé à cette commune. L'administration : un frein Fonctionnant avec un budget annuel de 53 milliards de centimes, Maghnia dispose d'infrastructures dignes d'un chef-lieu de wilaya, comme l'annexe universitaire (en pleine extension) de 1000 places pédagogiques et 500 lits, une maison de la culture en réalisation, un stade olympique, une bibliothèque, de nouveaux sièges d'administration… « Aujourd'hui, on peut se targuer de dire que nous avons atteint 85% de branchement au gaz de ville, le réseau Aep a été totalement refait, ce qui a nettement amélioré la distribution de l'eau potable. » Maghnia est alimentée à partir du barrage de Hammam Boughrara, une conduite de 11 km. M. Abdelmalek, qui attribue un grand mérite au wali de Tlemcen dans l'essor de sa commune, énumère avec fierté les innombrables projets réalisés et ceux en voie . « Aujourd'hui, en dehors de l'aménagement urbain qui a changé le visage de notre agglomération, des structures utiles et d'autres projets d'envergure, nous avons bénéficié de 1500 logements, dont 500 sont en construction par une société chinoise. » Et d'ajouter : « Tous nos projets sont à jour en dépit du manque d'entreprises spécialisées dans le béton armé. Cependant, faut-il le préciser, l'immensité de notre commune est sans commune mesure avec les ressources qui lui sont allouées. A titre d'exemple, la masse salariale de l'APC est de 14 milliards de centimes et la facture annuelle de Sonelgaz s'élève à 8 milliards de centimes. Nous avons beaucoup de charges et donc pas de moyens pour nos ambitions. » A Maghnia, les rentrées fiscales sont insignifiantes. La commune ne peut-elle pas vivre des impôts de ses commerçants ? (Si, mais que voulez-vous, on engrange seulement 1 milliard de centimes par mois, alors que les rentrées devraient être de 5 milliards). « A qui la faute si ce n'est à la gestion ? Nous avons hérité d'une situation catastrophique, d'où le retard dans le développement local. Mais el hamdoulillah, grâce à la nouvelle politique du pays, nous avons comblé ce retard », affirme M. Abdelmalek. Mais Maghnia est une ville qui reste sale et défigurée par les constructions illicites, et ce, quels que soient les prétextes et les arguments avancés par les autorités locales. Est-elle victime de son immensité et de son budget inexplicablement égal à des communes de moindre importance ? Tout cela est bien vrai, mais la permissivité, les complicités à tous les niveaux et la déliquescence l'ont longtemps clochardisée et enlaidie. « Juste par acquis de conscience, pour ceux qui ne le savent pas, Maghnia c'est 48 wilayas du pays plus les dizaines de communautés subsahariennes installées chez nous depuis l'année 2000. Tout ce beau monde trouve son compte dans notre ville, ils sont des nôtres et nous en sommes fiers, il faudrait simplement que les pouvoirs publics en tiennent compte. Parce que continuer à considérer Maghnia comme toutes les autres communes est une erreur. Pour qu'elle puisse faire face à toute cette pression, ces flux nationaux et africains, Maghnia devrait avoir un statut spécifique », estime à juste titre un sociologue de la ville. Un statut particulier ? Le mot est lâché. Ici, les autochtones, à la faveur du nouveau découpage administratif annoncé par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, pensent « tout à fait normal et logique que leur ville soit promue chef-lieu de wilaya déléguée. Si l'on veut que Maghnia soit effectivement la vitrine (elle en est la porte) de l'Algérie, il faut qu'elle soit élevée au rang de wilaya. D'ailleurs, ce ne sera que justice ». Avec ses nouvelles structures, ses beaux monuments représentant ses traditions, Maghnia avec sa mue pourrait devenir l'une des plus belles villes du pays.