Le dossier de l'importation des médicaments n'en finit pas de soulever des vagues. Après l'affaire de l'importation de l'insuline que notre pays s'apprête à produire pour satisfaire la totalité des besoins nationaux et celle en grande quantité de médicaments princeps, c'est au tour des laboratoires privés algériens de réagir. Bon nombre d'entre eux posent le problème du coût de l'enregistrement qui leur est imposé pour prétendre vendre leurs médicaments dans un pays étranger. Les autorités algériennes limitent ce coût à l'équivalent dérisoire de 15 000 à 20 000 DA. Jusqu'à 2002, il atteignait à peine 5000 DA. Dans d'autres pays, placer son produit relève d'une gageure pour tout étranger. Avec 230 000 euros, la France se classe en tête des pays soucieux de protéger leur production nationale. Elle est suivie de la Jordanie avec 5000 dollars et l'Arabie Saoudite. Outre le coût de l'enregistrement du médicament à commercialiser sur leur territoire, les Saoudiens exigent la certification aux normes américaines (FDI). Ce faible coût de l'enregistrement appliqué en Algérie a entraîné le rush d'un nombre important de laboratoires étrangers. Actuellement, plus de 4500 produits médicamenteux d'origine étrangère sont enregistrés au ministère de la Santé. Même le Bangladesh, où l'industrie pharmaceutique est quasi inexistante, s'est intéressé au marché algérien. Selon des sources crédibles, des représentants de prétendus laboratoires bangladais ont récemment procédé à l'enregistrement en Algérie de médicaments produits pour la plupart dans des laboratoires clandestins. Cette situation ne semble pas avoir dissuadé plusieurs opérateurs algériens d'investir dans la création de laboratoires avec l'ambition d'exporter une part de leur production. C'est le cas du laboratoire Solupharm. Depuis le 5 juillet 2004, ce laboratoire s'est lancé dans la concrétisation d'un projet de réalisation d'une usine pharmaceutique à Sidi Kaci (El Tarf). Appelée à entrer en production à partir de 2006, cette usine, dont le coût de réalisation s'élève à 15 millions de dollars, est le résultat d'un partenariat entre Solupharm (privé) pour 65 % et Saïdal (public) 35 %. Avec une capacité de 20 millions d'unités ventes (UV), sa production concerne une gamme de 20 produits sous forme sèche et injectable entre antihypertenseur, antibiotique, anti-inflammatoire, anticoagulant et traitement d'appui à la chimiothérapie. Participer à la réduction de la facture d'importation des médicaments et à la politique de généralisation du générique figurent dans les objectifs assignés à ce projet. Le Dr F. Benmachiche, directeur général de Solupharm, l'a affirmé : « Favorables aux produits génériques, je dois préciser que nous ne sommes pas contre l'importation. Cependant, à l'image des autres pays, il est indispensable que la production nationale soit protégée. C'est à l'Etat de jouer son rôle de régulateur. J'estime qu'il est nécessaire d'importer utile pour répondre à un schéma thérapeutique. La généralisation du générique est impérative pour limiter les dépenses. A titre d'exemple, le traitement d'un sidéen au princeps coûte 10 000 dollars. Le même traitement au générique ne dépasserait pas les 450 dollars ». Des statistiques établies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) font ressortir que l'Algérie est classée au bas du tableau en matière de consommation du générique avec un taux variant de 5 à 10%. Classé dans la liste des plus grands pays producteurs de princeps, le Canada consomme 75 % de ses besoins en générique. La même situation est vécue au Danemark, en Syrie et en Jordanie avec chacun un taux de consommation de 80 % et en Inde à 90%. « Chez nous, 75 % des médicaments importés et 45 % des prix de référence retenus par le Comité technique de remboursement (CTR) sont des médicaments de spécialité », a affirmé Dr Benmachiche, dont le laboratoire affiche des ambitions claires de conquête du marché arabe. « 32 laboratoires arabes vendent leurs médicaments dans notre pays. Pourquoi ne pas appliquer la réciprocité ? », argumente le PDG de Solupharm. « L'enregistrement et le développement de la recherche sont les deux armes que nous devons utiliser pour protéger la production nationale de la concurrence déloyale et éviter que notre pays ne se transforme en bazar. La recherche est un aspect fondamental auquel il est nécessaire d'accorder une attention particulière. Il est aberrant que des demandes de financement entre 20 000 et 100 000 dollars nécessaires à l'importation de dossiers techniques de recherches soient rejetées par les banques. Au même moment, de colossaux crédits sont accordés à des trabendistes pour l'importation de fruits exotiques », ajoutera Dr Benmachiche.