Le Rwanda a accusé hier la France d'avoir « participé à la mise en exécution » du génocide de 1994, réclamant que 13 hauts responsables politiques et 20 militaires français soient poursuivis, dans un communiqué du ministère de la Justice résumant les conclusions d'une commission d'enquête. Le ministre de la Justice rwandaise, Tharcisse Karugarama, a présenté hier à la presse les conclusions du rapport de 500 pages de la commission d'enquête rwandaise sur le rôle de la France dans le génocide, qui avait entamé ses travaux en avril 2006. Selon ce rapport rédigé en français, la France était « au courant des préparatifs » du génocide, a « participé aux principales initiatives » de sa mise en place et « à sa mise en exécution ». « Des militaires français ont commis eux-mêmes directement des assassinats de Tutsis et de Hutus accusés de cacher des Tutsis (...) Des militaires français ont commis de nombreux viols sur des rescapées tutsies », accuse le communiqué du ministère de la Justice, diffusé à la presse. « Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais a enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d'amener les responsables politiques et militaires français incriminés à répondre de leurs actes devant la justice », poursuit le communiqué. Au rang des 13 dirigeants français incriminés par le rapport figurent notamment le président de la République à l'époque des faits François Mitterrand (mort en janvier 1996), le Premier ministre Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé ou encore le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine. Les militaires français de l'opération militaro-humanitaire Turquoise (fin juin-fin août 1994) « ont laissé en place les infrastructures du génocide, à savoir les barrières tenues par les Interahamwe (extrémistes hutus). Ils ont demandé de façon expresse que les Interahamwe continuent à contrôler ces barrières et à tuer les Tutsis qui tenteraient de circuler », poursuit le communiqué. Le génocide rwandais a fait, selon les Nations unies, environ 800 000 morts, parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés. Kigali a rompu fin novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris après que le juge français Jean-Louis Bruguière eut réclamé des poursuites contre le président Paul Kagame pour sa « participation présumée » à l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, l'élément déclencheur du génocide. En octobre et en décembre 2006, la commission d'enquête rwandaise, composée d'historiens et de juristes, avait organisé à Kigali des auditions publiques de témoins, dont des militaires de l'ancienne armée rwandaise, mettant en cause la France. Les autorités françaises avaient fait savoir en février 2007 qu'elles ne reconnaissaient « ni légitimité ni compétence » à cette commission.