Kigali accuse Mme Habyarimana d'avoir participé à la planification et à l'organisation du génocide. Elle est souvent présentée comme une membre de l'«akazu». Cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais assassiné en 1994, a été arrêtée hier au sud de Paris, où elle vit depuis 12 ans, à la demande de Kigali qui réclame son extradition pour son rôle présumé dans le génocide. Agathe Kanziga, veuve de Juvénal Habyarimana, a été interpellée peu avant 08h00 (07h00 GMT) hier à son domicile à Courcouronnes, sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités rwandaises pour génocide, a-t-on appris de sources proches du dossier. Kigali l'accuse d'avoir participé à la planification et à l'organisation du génocide. Elle est souvent présentée comme une membre de l'«akazu», le premier cercle du pouvoir hutu, ce qu'elle nie. L'attentat contre l'avion transportant son époux, le 6 avril 1994 au soir, est considéré comme l'élément déclencheur du génocide, qui fit selon l'ONU environ 800.000 morts, essentiellement des Tutsi. L'interpellation d'Agathe Habyarimana intervient cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali, la première d'un président français au Rwanda depuis le génocide. Nicolas Sarkozy et son homologue rwandais Paul Kagame, qui a longtemps accusé la France de complicité de génocide, ont scellé la réconciliation entre les deux pays après trois ans de rupture des relations diplomatiques. Au cours de cette visite, le président français a affirmé sa volonté que «tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis (..) où qu'ils se trouvent» tout en rappelant être tenu par «l'indépendance de la justice». Evoquant sans la nommer le cas d'Agathe Habyarimana, il a rappelé que la France a «refusé l'asile politique à une des personnes concernées, et (qu') il y a une procédure judiciaire engagée». Réfugiée à l'ambassade de France au début des massacres, Agathe Habyari-mana avait été évacuée vers Paris par des militaires français lors de l'opération Amaryllis (8-14 avril 1994). Après avoir résidé au Gabon, au Zaïre et au Kenya, elle s'est installée en France en 1998. En octobre 2009, le Conseil d'Etat, plus haute instance administrative française, a refusé la demande d'asile qu'elle avait présentée cinq ans auparavant. Selon lui, il y avait des «raisons sérieuses de penser» qu'elle pouvait être impliquée «en tant qu'instigatrice ou complice» dans le «crime de génocide» entre avril et juillet 1994 au Rwanda. Mme Habyarimana est, par ailleurs, l'objet d'une enquête à Paris ouverte en 2008 à la suite d'une plainte la visant notamment pour complicité de génocide. Elle n'a, à ce stade, pas été entendue par les juges d'instruction chargés du dossier. Dans le cadre de la procédure d'extradition pour laquelle elle a été interpellée, Agathe Habyarimana doit être présentée dans les 24 heures devant le parquet d'Evry (sud de Paris), puis devant le parquet général de Paris dans un délai de sept jours. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devra ensuite statuer sur la demande d'extradition de Kigali. Mais si la justice française a autorisé l'extradition de trois Rwandais vers le Tribunal pénal international (Tpir) d'Arusha, elle s'est, en revanche, opposée à trois reprises à des extraditions vers Kigali. La Cour de cassation, la plus haute autorité judiciaire française, a jugé que les juridictions rwandaises ne satisfaisaient pas aux normes internationales et n'étaient pas à même de garantir un «procès équitable» et l'accès à une justice indépendante.