L'auteur mythique du film Le Beau Serge avec Jean-Claude Brialy, l'un des « surfers » cultes de la nouvelle vague, le non moins célèbre réalisateur français, Claude Chabrol, est un personnage. Il est primesautier, hilarant, ironique, usant et abusant d'un art pas du tout mineur et consommé de la faconde. Un « Jedi de la farce » des étoiles ! Entretien réalisé à Paris Comment a germé l'idée du film La fille coupée en deux : le fait divers ? Le fait divers en général, n'est pas à l'origine du projet. C'était un « truc » beaucoup plus abstrait. J'essaie de trouver un fait divers qui me servira d'intrigue. Pour le film La fille coupée en deux, l'idée c'était ces jeunes femmes assez belles présentant la météo à la TV et dont le visage est connu. Et chercher à savoir comment peuvent-elles vivre leur époque ? Alors, j'ai cherché un sujet et je me suis souvenu de cette Fille sur la balançoire de Fleischer (Richard Fleischer, auteur de ce film en 1955 avec Joan Collins et Ray Milland) et l'assassinat du célèbre architecte new-yorkais Stanford White en 1906 (homme à jeunes femmes tué à l'âge de 52 ans, alors qu'il assistait à un spectacle). C'est à partir de là qu'on a élaboré le scénario. L'avantage du fait divers sur la fiction, c'est qu'on ne peut pas vous taxer d'invraissemblance. Cela a eu lieu et existé. Vous montrez que ces jeunes femmes sont blindées et pas fragiles... Ce qui me plaît chez ce genre de jeunes femmes, pas seulement dans le personnage du film, c'est qu'elles sont suffisamment robustes, solides pour pouvoir résister au chaos de leur propre existence. Cela leur donne une espèce de liberté d'agir plus grande par rapport à d'autres qui sont enfermées dans leur petit cocon. En général, je trouve que les femmes sont plus courageuses et combatives que les hommes, concevant presque leur intelligence à partir de leur virilité, leur machisme... C'est un drame terrible ! En réalité, on est arrivé à magnifier le sexe masculin parce qu'il ne restait plus rien d'autre à glorifier chez l'homme. Quand on voit la manière de diriger les choses par les hommes, on est quand même effaré, quoi ! Cela m'amuse beaucoup. En Europe, le meilleur chef d'Etat que je connaisse, pour l'instant, c'est Angela Merkel, c'est une femme (rires). Et au départ, on appréhendait sa gouvernance. En fait, elle est mieux que les « mecs » (rires). C'est terrible ! Il faut réfléchir un peu. Peut-être que c'est cela la solution : un bon matriarcat, je suis pour. En France, je ne m'amuse plus avec Sarkozy, mais encore plus avec Ségolène (Royal) (rires). Vous êtes le roi du polar... J'aime bien le polar, oui c'est formidable ! Comme je le dis tout le temps, si vous voyez un mauvais film, vous êtes furieux et si c'est un polar, vous êtes un peu moins furieux (rires). C'est agréable. En plus, on peut raconter très exactement tout, parler de sentiments très complexes à travers le polar. Cela fonctionne à merveille. Vous jurez avec la gérontologie, une jeunesse filmique... Je ne me rends pas compte du tout. Tant mieux. A mon âge, je fais très attention de faire des films jeunes (rires). La preuve ! Vous venez d'achever le tournage d'un nouveau film. Quand sortira-t-il ? Oui, on vient de terminer le tournage. Il sera monté au mois d'octobre et je fais comme Sarkozy (en hochant la tête), après, il sera prêt aux alentours du mois de février 2009 (rires). Le film est l'histoire du déséquilibre d'un être parfaitement équilibré avec Gégé, Clovis Cornillac et François Cluzet. Le titre du film, c'est Bellamy. Il n'y a rien à voir avec Bel Ami de Maupassant (rires). Gégé, c'est Gérard Depardieu... Oui, oui ! C'est Gérard Depardieu. Je l'appelle comme ça Gégé. Gros Gégé ! gros Gégé ! (rires). Vous n'avez jamais tourné ensemble... Oui ! On s'est rencontrés chez des amis à Nîmes, il y a plus d'un an et demi. On s'est dit ça suffit comme cela, on tourne ensemble en 2008. Parfait, d'accord. Et Gégé a dit : « Tiens Claude (Chabrol) pense toujours à faire un film. Il n'a pas besoin de s'en faire, le film est déjà fait dans ma tête. » Il s'est cassé la tête. Et il a reçu son scénario, en temps et en heures (rires) ! Et il était très content. Comment choisissez-vous vos acteurs ? J'aime les acteurs ayant beaucoup d'humour, mais pas ceux qui se prennent au sérieux. Est-ce que j'ai mis à contribution des acteurs « stanilakyiens ». Mais bon Dieu, oui. J'ai travaillé avec l'inénarrable acteur Rod Steiger. Pendant le tournage, il n'arrivait pas à sortir du cadre. Quand je me suis aperçu de cela, je me suis débrouillé pour trouver une combine ne le dérangeant pas. Mais je me suis dit : « Je vais m'amuser quand même ». Il y avait un plan assez long, je lui ai dit : « A la fin tu sors du cadre ». On commence à filmer, en vain. Il était resté planté là, dans le cadre. Il dit : Hi darling ! Je ne comprenais pas pourquoi, il faisait cela. Il était toujours là. Il ne bougeait pas (fou rire). C'est cela la méthode du « pommier » (sa définition de l'Actor's Studio). Vous connaissez le cinéma algérien... Ben, les récents films, non ? J'avoue que j'ai un problème avec le Maghreb, c'est que je ne fais pas de différence entre les films algériens, tunisiens ou marocains (rires). Je les mets tous ensemble. Pour moi, c'est le Maghreb. Bon, je connais Abdellatif (Kechiche) bien sûr, mais je ne sais pas s'il est Marocain ou Algérien ? Il est Tunisien... Bon, Abdellatif est Tunisien, je ne le savais pas. Qu'est-ce qu'il y avait comme réalisateurs algériens ? Heu... De votre génération, Lakhdar Hamina... Ah ben, des réalisateurs de ma génération, ils sont sont morts comme Lakhdar. Non, Lakhdar Hamina est vivant... Eh ben oui, bien sûr. Lakhdar, c'est un vieux copain. Dès que je n'ai plus de nouvelles, je les enterre (ses amis) (rires). Je vais vous raconter une anecdote. Il est arrivé une fois une chose assez terrifiante. Il y avait un acteur américain un peu connu qui s'appelait Steve Cochran qui avait joué dans Le Cri d'Antonioni (Michelangelo) en Italie. Un jour, j'ai annoncé à ma femme : Tiens, il y a Steve Cochran qui est mort dans un naufrage. Alors, parfait, mais je ne sais pas pourquoi, j'avais dit cela. Mais il était mort quatre ans plus tard après avoir fait trois ou quatre autres films. Ce qui était curieux, c'est que Steve Cochran était mort en pleine mer... dans un naufrage (rires). Ah oui ! C'était drôle ! Cela m'a beaucoup frappé. Vous faîtes dans la nécrologie... (Rires). Je l'avais « enterré » avant, oui ! De la façon dont il est mort. Vous êtes médium, non... Pas du tout ! Dans le sens : milieu, oui (rires). Ni trop cuit, ni bleu mais médium (pour la viande) (rires). Vous avez quand même la « pêche » à votre âge. Vous menez de front deux projets de films, cinéma et télévision (les auteurs du XIXe siècle), par an... Il ne faut pas exagérer. Ce n'est pas non plus un travail de romain. Je n'ai pas trop de problèmes. Je ne touche pas au scénario des films-TV. C'est un bon exercice. Cela m'oblige à sortir de mes propres ornières. Qu'est-ce qui vous horripile dans ce monde ? Après tout ce que j'ai vu comme bêtises humaines ces cinquante dernières années, plus rien ne m'horripile. C'est amusant ! Cependant, il existe un progrès, on sent une amélioration dans les rapports humains, mais cela va très lentement. A la limite, maintenant, dans les pays dits « civilisés », on se retrouve avec des c... qui nous gouvernent et pas avec des fous sanguinaires. C'est un net progrès (rires).