Après une relative accalmie, le Liban renoue avec la violence. Au moins 14 personnes, dont 9 militaires et un enfant de huit ans, ont été tuées dans l'explosion d'une bombe, hier, à Tripoli. C'est l'un des attentats les plus sanglants ces dernières années au Liban. L'attentat qui a fait également une quarantaine de blessés, dont certains dans un état grave, s'est produit alors que le président libanais, Michel Sleimane, s'apprêtait à effectuer une visite (une première depuis 2005) en Syrie. M. Sleimane, dont la visite vise à assainir les liens bilatéraux, avait quitté ses fonctions de chef de l'armée pour être élu à la présidence en mai. Il a, dans un communiqué, condamné « l'attaque terroriste », affirmant que les forces de sécurité « ne vont pas plier devant les tentatives visant à les terroriser ». L'attentat, qui n'a pas été revendiqué, est également survenu au lendemain du vote de confiance accordé par le Parlement au gouvernement d'union de Fouad Siniora, le premier mis en place après une longue crise politique entre la majorité soutenue par l'Occident et plusieurs pays arabes et l'opposition, appuyée par Damas et Téhéran. La bombe se trouvait dans une valise posée en bordure de route dans la rue commerçante des Massarif, en plein centre de Tripoli (nord). Elle a explosé dans la matinée, à proximité d'un bus civil, reliant le nord du pays au sud et utilisé par de nombreux soldats. Le lieu de l'attentat est distant d'environ 1,5 km du quartier de Bab el Tebbaneh, où des combats ont secoué régulièrement Tripoli depuis mai, faisant 23 morts. « Le Liban ne se mettra pas à genoux. Ni le Liban ni les Libanais ne s'abandonneront à la peur, aux criminels ou aux terroristes », a affirmé le Premier ministre Fouad Siniora. « Cet acte n'entravera pas l'élan de notre gouvernement malgré les tentatives qui ont eu lieu au long des trois dernières années », a-t-il poursuivi en allusion à la vague d'attentats qui ont visé des députés et personnalités libanaises depuis l'assassinat, en février 2005, de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri. Ces attentats avaient été imputés par la majorité parlementaire à la Syrie. La crise avait dégénéré, en mai, en combats qui avaient fait 65 morts et le pays avait failli basculer dans une nouvelle guerre civile. Pour le président du Parlement, Nabih Berri, le timing de l'attentat montre qu'il cherche à « empêcher une amélioration des relations syro-libanaises ». La Syrie, la Ligue arabe et l'Union européenne ont condamné l'attaque, de même que le président français Nicolas Sarkozy qui a parlé, dans un communiqué, d'un acte « odieux et lâche ». La Syrie dénonce avec force « l'acte criminel commis ce matin à Tripoli qui a fait un grand nombre de victimes parmi les citoyens innocents ». La Ligue arabe a vivement condamné « l'attentat terroriste ». Le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, a fait part dans un communiqué de « l'indignation » de la Ligue après « cet acte criminel qui vise à compliquer la situation sécuritaire et politique au Liban et à entraver (l'action) du nouveau gouvernement ». Même condamnation du gouvernement espagnol. L'UE a assuré qu'elle continuerait de prendre « toute (sa) part aux efforts en faveur de la sécurité et de l'unité du Liban ». « Rien ne doit venir entraver la mise en oeuvre du processus de sortie de crise initié par l'accord de Doha qui vient d'enregistrer une nouvelle étape hier (mardi, ndlr) avec l'adoption de la déclaration de politique générale par le Parlement », selon la déclaration de l'UE. Michel Sleimane, ancien chef de l'armée, a été élu le 25 mai dernier après un accord conclu à Doha le 21 mai entre la majorité parlementaire, soutenue par l'Occident et l'Arabie Saoudite, et l'opposition conduite par le Hezbollah chiite et appuyée par Damas et Téhéran. L'accord de Doha a mis fin à une crise politique qui avait paralysé les institutions pendant 18 mois et dégénéré en affrontements meurtriers qui ont fait craindre un retour à la guerre civile. Mais près de trois mois après l'accord de Doha, la situation reste instable sur le plan de la sécurité. Les combats à Tripoli, qui ont cessé fin juillet, avaient opposé des partisans sunnites de la majorité à des alaouites (une branche des chiites), partisans de l'opposition.