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Tchéquie-Slovaquie : Il y a quarante ans, le Printemps de Prague
Publié dans El Watan le 18 - 08 - 2008

Il y a 40 ans, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, les troupes de l'URSS et quatre de ses alliés du Pacte de Varsovie écrasaient le Printemps de Prague dans le sang et la quasi-indifférence des Occidentaux aux prises avec leurs propres révoltes contestataires.
L'invasion, pour tuer dans l'œuf le « socialisme à visage humain » du numéro un du PC tchécoslovaque Alexander Dubcek, consacrait la doctrine soviétique de la « souveraineté limitée » concédée par Moscou à ses satellites d'Europe de l'Est. Querelle entre factions communistes pour les uns, brèche dans le bloc soviétique préfigurant son effondrement en 1989 pour d'autres, le Printemps de Prague vit le PC tchécoslovaque au pouvoir depuis 1948 souffler un vent de réformes timides mais inédites pour le pays. « L'aurore d'une révolution démocratique était dans l'air. Mais la logique de la guerre froide a empêché que cette révolte soit couronnée de succès », résume aujourd'hui l'historien Vilem Precan. « Si l'occupation n'avait pas eu lieu, la Tchécoslovaquie se serait transformée en une démocratie parlementaire au bout de quelques années », estime l'ancien dissident Petr Uhl. Ecrasé en août, le Printemps de Prague débute en réalité en janvier 1968, après l'élection à la tête du parti communiste du Slovaque Alexander Dubcek (1921-1992) en remplacement d'Antonin Novotny (1904-1975), apparatchik impopulaire lié à l'époque stalinienne. La nouvelle direction du parti procède à une refonte économique prudente.
Mais la levée de la censure entraîne bientôt une libéralisation sans précédent de la presse et des activités culturelles. Des organisations non communistes voient le jour, comme le K231 formé par d'anciens prisonniers politiques ou le Club des sans-partis engagés (KAN), germe d'un parti d'opposition, selon Oldrich Tuma, directeur de l'Institut de l'histoire contemporaine de l'académie des sciences. C'est là que le bât blesse. « Si le système communiste s'ouvre et renonce à la répression et au contrôle de la presse ou des mouvements, comme en Tchécoslovaquie en 1968, le processus ne peut plus être arrêté par ses initiateurs », fait valoir M. Tuma. Rejeté par les « orthodoxes » emmenés par Vasil Bilak, un autre Slovaque, le « socialisme à visage humain » revendiqué par Dubcek affronte l'hostilité ouverte des maîtres du Kremlin, soucieux de conserver le contrôle d'un vassal à la position stratégique, entre l'Allemagne de l'Ouest et l'URSS. Le 3 août 1968, Léonide Brejnev expose devant les dirigeants des « partis frères » tchécoslovaques, hongrois, bulgares, polonais et est-allemands réunis à Bratislava sa doctrine de la souveraineté limitée.
Selon les historiens, c'est là que Bilak glissa dans la poche du numéro un soviétique une « lettre d'invitation » appelant Moscou à stopper les réformateurs « par tous les moyens ». Moins de trois semaines plus tard, une trentaine de divisions soviétiques, soutenues par des unités bulgares, hongroises, polonaises et est-allemandes, envahissent la Tchécoslovaquie pour une occupation qui durera plus de 20 ans, jusqu'à la Révolution de velours de 1989. Cent-huit personnes sont tuées et quelque 500 autres grièvement blessées par les troupes d'occupation, rien qu'entre le 21 août et la fin décembre 1968, selon l'Institut tchèque d'études des régimes totalitaires. Absorbés par la guerre du Vietnam et leurs propres mouvements contestataires, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux se limiteront à des protestations symboliques. Alexander Dubcek est évincé en avril 1969 et réduit au silence. Nouvel homme lige de Moscou, Gustav Husak, lance la « normalisation » à coup de procès politiques. La nation se résigne, malgré le sacrifice de l'étudiant Jan Palach, qui s'immole par le feu dans l'espoir de réveiller les consciences.


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