Le monde entier et pas seulement les Allemands célèbrent aujourd'hui le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, une barrière de bien triste réputation imitée dans son objectif sous d'autres latitudes comme en Palestine et au Sahara occidental. Des jeunes du monde entier lançaient leur ultime bataille contre ce qui constitue le premier symbole et le plus évident de la guerre froide. Et aussi des mythes avec la ville de Berlin et ses check-points. Ce qui n'était pas faux, même si le cinéma s'en était emparé. Mais ce qui allait suivre n'était pas du cinéma puisque le monde entier allait être ébranlé puis marqué dans ce qu'il avait de plus profond. Il s'agit des relations internationales, marquées jusqu'à cette année par deux blocs, ou encore l'équilibre de la terreur, avec la présence de deux superpuissances, les Etats-Unis et l'URSS qui ne survivra pas. Le 9 novembre 1989 n'est pas célébré uniquement par les Allemands puisqu'il marque la chute du Mur de Berlin, mais par le monde entier qui le considère quant à lui comme le début de la fin du communisme et de la division du monde en deux blocs. En réalité, bien d'autres choses, puisque cela marque aussi la réémergence si l'on peut dire de l'OTAN comme seule bloc hérité de la guerre froide après la disparition du Pacte de Varsovie et, bien entendu, le retour en force de l'unilatéralisme. Américain bien entendu. A l'heure des comptes et des révélations qui suivront au sujet d'un système – Est allemand –, on se rendra vite compte qu'il s'agissait d'un mythe. Où était cette Stasi quand les frontières du camp socialiste étaient devenues de véritables passoires, et que des autoroutes de la liberté ont été créées entre l'Est et l'Ouest ? On disait d'elle, et on le dit encore, qu'elle avait l'œil sur tout, mais elle n'a pas vu venir le changement. Tout comme le premier responsable du pays qui commandait sa dernière parade de célébration de l'anniversaire de la RDA, exactement 32 jours, avant le grand bouleversement. Un changement, cela se prépare, Mikhail Gorbatchev, lui aussi dernier président de la défunte URSS, assis ce 7 octobre 1989 aux côtés de Erich Honecker, avait averti ses alliés qu'il n'était plus question de faire intervenir les chars soviétiques dans les pays voisins. Simple avertissement ? Mikhail Gorbatchev qui deviendra, lui aussi, le président d'un Etat qui a cessé d'exister, avec l'éclatement de l'URSS, et l'émergence de la Russie de Boris Eltsine, a-t-il joué un quelconque rôle ? Lui se déclare fier d'avoir joué un rôle, laissant même entendre qu'une éventuelle opposition de sa part aurait conduit à une catastrophe. « Une troisième guerre mondiale » est une hypothèse qu'il n'excluait pas. Pour Lech Walesa, président du syndicat polonais Solidarité, « le jeu était dangereux. Il est bon que Gorbatchev ait été un homme politique faible et que tout se soit bien passé ». Voilà donc du travail pour les historiens pris, quant à eux, au dépourvu, comme l'ont été la plupart des services secrets et de dirigeants étrangers. A l'image de l'ancien président français, François Mitterrand, qui refusait que l'on parle de réunification allemande. « Unification, unification », disait-il avec insistance, laissant entendre que la première allait avoir de fortes implications en Europe notamment ses frontières. La question porte aussi sur la disparition en très peu de temps, deux années exactement, d'un espace géographique et idéologique dont on disait qu'il allait dominer le monde. Mais celui-ci a montré des faiblesses inimaginables, d'abord en s'effondrant comme un château de cartes, et plus tard quand il fallait faire son inventaire. L'Europe occidentale et pas seulement elle puisque l'opération revêt un caractère géostratégique, l'a absorbé, et l'OTAN a déplacé ses frontières plus à l'Est, n'hésitant pas à les rapprocher de Russie, faisant dire à son premier président qu'elle était elle aussi visée par la même opération de morcellement qui avait touché ce qu'on appelle déjà l'ancienne Yougoslavie, touchée en 1991 – remarquons le timing – par le démembrement. C'est donc la fin des idéologies et par voie de conséquence de la division du monde en deux blocs. Et après ? dira-t-on. La démocratie et le capitalisme ont envahi ce nouvel espace faisant grincer des dents. Quant au monde, la fracture nord-sud telle que mise en évidence au sommet des Non-Alignés d'Alger en 1973 s'approfondit, l'Europe regardant davantage vers l'Est reniant à titre d'exemple la coopération avec le sud de la Méditerranée. Pour tuer le processus de Barcelone, l'Europe parle de nouveau voisinage, afin d'inclure les anciennes républiques socialistes. En ce qui la concerne, l'Europe pense avoir mis en place suffisamment pour se prémunir des guerres, avec l'intégration des économies. Elle se lance dans les guerres chez les autres, sur son propre territoire, et ailleurs ensuite. Pour combattre de nouvelles menaces, défendre les libertés et les droits de l'homme, une vision bien contestable, puisqu'elle n'est pas univoque. Pour le reste, le monde se contentera de promesses. Comme les engagements du Millénaire. La misère personne n'en veut. Quant à la peur, elle n'a jamais été aussi grande.