Une bonne nouvelle est toujours bonne à dire ! Aussi, nous publions celle de notre collègue Ali D, intitulée L'accro du vétiver. Le vétiver est un parfum extrait d'une plante tropicale du même nom. Sa marque, portée par deux siècles de succès, a fait plusieurs fois le tour de la Terre. Si elle revient dans nos pays tempérés, c'est pour hanter comme un écho nos jours et nos nuits. Le vétiver, vous parlez d'une sensation doublée d'une émotion ! Tu dois l'essayer, me conseilla ma femme. Tous les hommes se parfument au vétiver. Nous avions fait plusieurs magasins et nous venions d'arriver devant une parfumerie où le vétiver était exposé dans toutes sortes de flacons à côté d'autres grandes marques de parfums. De la même façon, elle me disait l'autre jour : « Tu dois te mettre au footing, mon chéri. A l'approche de la quarantaine, c'est absolument indispensable si l'on veut garder la ligne. » Je l'écoutais et le résultat était là : une foulure de la cheville gauche qui m'obligeait cet après-midi à sautiller derrière elle pendant nos courses. — Ce n'est pas nécessaire, fis-je, l'air ennuyé. Tu sais bien que je ne transpire jamais. — Tu te trompes, répondit ma femme, le vétiver n'aide pas seulement à combattre les mauvaises odeurs. Il est essentiel pour la personnalité. Regarde Alain Delon. Que serait-il sans… — De grâce, suppliais-je avec tout de même une pointe d'humeur qui n'était pas seulement due à ma cheville prise dans une bande velpeau, laisse tomber Alain. Il est trop ringard pour servir de référence à notre génération. Le parfumeur qui observait, amusé, la scène depuis le seuil de sa boutique crut de son devoir d'intervenir. — Je crois saisir la pensée de madame, plaida-t-il, un sourire avantageux sur les lèvres. Madame parle des hommes de bon goût et Alain fait partie de cette catégorie d'êtres que leur culture et leurs manières placent au-dessus de tous les autres. Non, mais de quoi se mêlait-il, ce patapouf ? Il me suffisait d'avoir déjà sur les bras ma femme et tous ces millions de crétins qui se foutaient du vétiver sur la gueule, qu'elle me citait en exemple, sans avoir à supporter en sus les insolences de ce pied plat. — Ecoutez, Monsieur, l'apostrophais-je d'une voix rendue cinglante par la fureur, cette conversation est strictement entre ma femme et moi. Un homme de bon goût, comme vous dites, se serait gardé de s'y jeter à pieds joints. Mais puisque vous y voilà sans être invité, sachez donc que je suis allergique au parfum, à tous les parfums, qu'ils viennent de Chine, des Indes, d'Arabie ou d'ailleurs. — Oh, pardon, fit l'homme aux cheveux gominés et à l'air doucereux. Je ne cherchais pas à vous vexer. Mais, vous comprenez ma position : ici nous recevons toutes sortes de couples, unis par tout sauf par leur goût. Alors, notre tâche consiste à mettre tout le monde d'accord. Avec un peu de chance et d'habileté nous y arrivons toujours. — Pas lorsque l'un d'eux est allergique, lui lançais-je, rageur. Je doute que vous compreniez ce mot. Et tout aussi rageusement, je l'épelais : al-ler-gique, est-ce clair ? La voix du parfumeur se fit mielleuse. Je crois que vous n'êtes pas plus allergique qu'un autre. Mais vous dites ça, comme ça, par défi, par entêtement, que sais-je ? Allons, vous ne vous seriez pas arrêté devant cette vitrine, si vous étiez allergique. — Entrons et achetons un flacon de vétiver, décréta ma femme.. A l'intérieur, tout en nous servant, le parfumeur nous raconta l'histoire de cette dame qui se disait allergique à la violette et qui, grâce à son mari, a réussi à surmonter sa répulsion. — Depuis qu'elle est entrée ici la violette ne quitte plus son sac, affirma-t-il. Ce commerçant était, certes, un malotru et je l'aurais volontiers étranglé, mais sa logique était confondante. Comme la dame à la violette, je devins un accro du vétiver.