Au surlendemain du double attentat suicide perpétré au centre-ville de Bouira, la population locale est toujours sous le choc. Depuis mercredi dernier, un climat de terreur s'est installé dans cette partie de la Kabylie. Une terreur amplifiée par la circulation de rumeurs évoquant l'intention des groupes terroristes armés de frapper une nouvelle fois à Bouira. Celles-ci ont d'ailleurs fini par plonger la population dans une psychose analogue à celle endurée durant les années 1990. Cela pourrait expliquer d'ailleurs que les gens ne se soient pas trop aventurés dehors, hier. Bouira : De notre bureau Vendredi 22 août 2008. Retour sur les lieux du drame. Au niveau des quartiers ciblés par les deux attentats, l'anxiété se lisait sur les visages des habitants terrifiés par l'ampleur des dégâts occasionnés mais aussi par la facilité avec laquelle les kamikazes ont commis leurs crimes. Au niveau du grand boulevard de la ville de Bouira où a eu lieu le premier attentat comme à la cité La Cadat où se trouve le secteur opérationnel militaire ciblé par les terroristes, ce sont les mêmes propos et surtout les mêmes interrogations qui reviennent dans toutes les bouches. « C'est horrible. Quand est-ce que ces massacres s'arrêteront ? Allons-nous encore revivre l'enfer des années 1990 ? », ne cessent de s'interroger de nombreux citoyens rencontrés sur place. Traumatisés, ils éprouvent le plus grand mal à reparler du drame de mercredi. Du côté du grand boulevard complètement désert, lieu du premier attentat, des travailleurs sont à l'œuvre en cette journée censée être de repos. Ils s'attèlent à la va-vite à effacer les stigmates de l'attentat encore visibles sur les façades de l'agence commerciale Djezzy et de l'hôtel Sofy endommagées par le souffle de l'explosion. A quelques mètres de là, un immeuble a été déserté par ses occupants. Des familles ont choisi de quitter leurs appartements pour élire domicile ailleurs. « Je ne peux pas rester ici. Après avoir vu de mes propres yeux l'horreur, je ne peux même pas regarder du balcon. C'est de là que j'ai vu des corps déchiquetés et entendu les cris des blessés. C'est horrible », lâche, en sanglots, une mère de famille. Au niveau de la cité La Cadat, où a eu lieu le deuxième attentat, de nombreuses personnes sont traumatisées. « Jamais de ma vie je n'oublierai ce matin-là. Ma femme est toujours sous le choc », témoigne avec fébrilité Akli, un habitant de la cité. Ici aussi, certaines habitations sont sérieusement endommagées. A l'hôpital Mohamed Boudiaf de Bouira, l'on apprend que la plupart des blessés ont regagné leurs domiciles, hormis deux d'entre eux mais dont l'état n'est pas jugé grave. Ceux-là sont gardés en observation au niveau de cette structure sanitaire. Dans les localités environnantes, notamment celles où des victimes de ces attentats ont été enterrées le jour même, tard dans la nuit, l'on a peur d'un retour aux années de braise. Néanmoins, la population, ne voulant pas abdiquer devant la peur, ne s'est pas terrée chez elle. A Takerboust, village perché au pied du Djurdjura, à 70 km à l'est de Bouira, où ont été enterrés, mercredi vers minuit, les deux topographes de SNC Lavalin, Hamoumi Sofiane et Demouche Abdennour, qui ont péri dans le double attentat, de nombreux citoyens venus de toute la région ont tenu à rendre un dernier hommage aux victimes. Partout à travers la wilaya de Bouira, le double attentat a suscité la consternation. Dans tous les villages, on ne parle que de cela. Pour beaucoup, la politique de réconciliation prônée par Abdelaziz Bouteflika a pris un coup dur et devient anachronique et superflue dès lors que les groupes islamistes armés la rejettent. « Il n'est plus question de continuer à tendre la main du pardon aux forces du mal qui continuent à sévir et à semer la mort », dira un citoyen scandalisé par les derniers événements. Démoralisés, les habitants de Bouira condamnent avec vigueur ces attentats qui visent des civils sans défense et des militaires issus des couches les plus modestes de la société. « Nous redoutons le pire ! Car désormais nous ne savons plus à quel ennemi nous avons affaire puisque les bombes humaines peuvent bien être parmi nous, en ville et non pas au maquis, comme cela a été le cas durant les années 1990 », s'inquiète un quinquagénaire. A noter par ailleurs que la revendication des deux attentats de mercredi par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dans un enregistrement sonore diffusé jeudi dernier à 22h 30 par la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera, n'a pas manqué de susciter la réprobation des populations locales et de la société civile. Cette sortie d'Al Qaïda, signée Salah Abou Mohamed, présenté comme étant le responsable de la communication de l'AQMI, semble bien confirmer la présence en force des terroristes mais surtout le caractère organisé de leurs actions. Des éléments qui ajoutent inexorablement leur dose de psychose à une population plus que jamais sur le qui-vive. Amar Fedjkhi , Lyazid Khaber