De notre correspondant à Bouira Riadh Houari Alors que la population s'efforce d'oublier le drame de mercredi dernier et que les familles des victimes, dont douze avaient enterré les leurs dans la journée de jeudi dernier, continuent de pleurer leurs morts, le climat de consternation et de désarroi plane toujours sur le chef-lieu de la wilaya de Bouira. Durant les deux derniers jours, Bouira et la localité des Issers, dans la wilaya de Boumerdès, étaient devenu LES le point vers lequel ont convergé tous les regards, les attentions et les déclarations du monde entier, comme dans les années 90. Avec un bilan de 12 morts et 44 blessés, Bouira est revenue à la une des journaux et des déclarations politiques. Elle a replongé dans l'horreur et la désolation alors que les citoyens de cette région qui, à l'instar d'autres, a déjà payé un lourd tribut et subi les affres du terrorisme durant la période entre 1993 à 2000, espéraient voir Bouira se frayer enfin, grâce aux grands projets structurants réalisés dernièrement, un chemin vers le développement et la modernité pour se replacer parmi les régions du pays qui ont enregistré un essor sur le plan de l'investissement et la croissance économique. En effet, durant ce week-end, l'ambiance s'est assombrie d'une manière considérable. Nous sommes revenus sur les lieux du double drame et fait une tournée à travers la ville pour découvrir des citoyens abattus moralement. Ces derniers sont inquiets et suivent d'un regard terrifié les allers et venus des services de sécurité à travers les ruelles de la ville. Le renforcement, de la surveillance autour des édifices de police et de gendarmerie suscite deux sentiments contradictoires : la sécurité et la peur. Tout en se sentant sécurisé par le déploiement des forces de sécurité, on craint le pire. Car, s'il y a renforcement il y a risque d'autres attentats sanglants pensent les Bouiris. De plus, la crainte, somme toute légitime, est alimentée par les rumeurs que font courir les relais des groupes terroristes. Les citoyens ont été assaillis par plusieurs rumeurs faisant état d'explosion de bombe dans les localités de Kadiria, Aomar et Lakhdaria durant ce week-end. Finalement, nos sources n'ont confirmé qu'un seul attentat au niveau du lieu-dit Gerbas, à la sortie de Lakhdaria, où une bombe artisanale commandée à distance a explosé au passage d'un véhicule de la police. L'attentat n'a heureusement fait aucun dégât ni victime. Du côté du secteur militaire et de l'hôtel Sofy, où les deux terroristes se sont fait exploser, les stigmates maintiennent encore le climat de peur chez la population. Au niveau du secteur militaire, les engins communaux ont été mobilisés et des ouvriers travaillent d'arrache-pied pour débarrasser le quartier de plusieurs tonnes de gravats et des détritus de béton et de briques engendrés par l'explosion de mercredi dernier. Pendant ce temps, des travaux de réfection du mur de clôture du siège du centre des opérations sont lancés et supervisés par les autorités locales. En face, dans la cour de la cité où résident les familles des services de sécurité, qui était jonchée de gravats et de débris, on assiste à un mouvement continu de camion et autres engins. Le siège de la chambre agricole situé à une dizaine de mètres du secteur militaire a été sérieusement endommagé ; toutes les vitres, les meubles des bureaux et les fenêtres ainsi que les portes de la structure ont été soufflés par l'explosion. Cet édifice, réalisé en 2003 grâce aux efforts et contributions des agriculteurs de la région, est devenu méconnaissable. De l'autre côté de la ville, les passants sont toujours attirés par les dégradations subies par les magasins situés au rez-de-chaussée de l'hôtel Sofy où 12 travailleurs de la société canadienne SNC Lavalin ont trouvé la mort à la suite de l'explosion de la première voiture piégée. A cette ambiance de désolation s'ajoutent les réclamations des habitants de la cité Alouache ex-Moreti, notamment ceux habitant dans les bâtiments A et B. Un groupe de citoyens ont déploré le manque d'assistance et d'aide psychologiques de la part des pouvoirs publics et déclarent que leur famille, surtout les enfants, vivent encore sous le choc des deux explosions. Ces derniers ont fait état également de plusieurs dégâts : portes cassées et fenêtres arrachées et des fissures qui nécessitent des réparations. Selon eux, des démarches ont été effectuées auprès des services concernés mais jusqu'à jeudi dernier, la seule réponse qu'ils ont obtenue, c'est d'attendre le passage de la commission pour estimer les dégâts occasionnés par le souffle de l'explosion qui a ciblé le secteur militaire situé à une trentaine de mètres à vol d'oiseau de leur domicile. Par ailleurs, les blessés, hospitalisés au niveau de l'hôpital Boudiaf de Bouira, ont pour la majorité regagné leurs domiciles et il ne reste que deux blessés en observation. Nous avons appris que l'un des militaires évacué vers l'hôpital de Aïn Naadja à Alger a succombé à ses blessures, ce qui porte le bilan du double attentat suicide commis mercredi dernier dans la ville de Bouira à 13 morts et 43 blessés.