Barack Obama, 47 ans, sénateur depuis seulement trois ans, premier Noir à avoir une chance d'être élu président des Etats-Unis, peut se permettre de rêver. L'Amérique lui en donne la possibilité et cela peut s'arrêter à tout moment car la concurrence est rude. Elle est même apparue, mercredi, dans les rangs du parti démocrate qui réunissait sa convention en vue d'approuver le ticket Obama-Biden pour la présidentielle du 4 novembre prochain. Il a fallu toute l'intelligence de sa concurrente malheureuse dans les primaires pour lui ouvrir une voie royale vers cette candidature qui ne fait pas l'unanimité. En quelque sorte, Mme Hillary Clinton a mis fin au suspense et à toute autre supputation en appelant les 4000 délégués de son parti à désigner Obama par acclamation. Point d'élection donc. Pari tenu. Et il ne restait plus que les mots de remerciements. En fait, des propos de circonstance, comme le fait Obama de dire qu'il accepte son investiture. Une évidence. Ainsi donc, s'adressant à quelque 75 000 de ses partisans enthousiastes, et au-delà, à tous les Américains, il a promis de mettre fin à « une politique inefficace » dont il a accusé John McCain d'être un rouage. Il a appelé ses compatriotes à s'unir pour restaurer « la promesse américaine », dans un discours concluant une convention démocrate exceptionnelle. Pendant 45 minutes, devant ses partisans en délire réunis dans un stade de Denver (Colorado, ouest), le candidat démocrate a détaillé son programme, plaidant pour la solidarité entre ses compatriotes. Il a évoqué la nécessité de restaurer ce qu'il a appelé « la promesse américaine : l'idée que nous sommes responsables de nous-mêmes mais aussi que nous tombons et nous relevons comme un seul pays ». « Nous sommes à un de ces moments uniques, un moment où notre nation est en guerre, notre économie dans la tourmente et le rêve américain à nouveau menacé », a-t-il lancé. « C'est cette promesse qui a toujours fait de ce pays un pays pas comme les autres », a-t-il dit. « Si on travaille dur et que l'on fait des sacrifices, chacun d'entre nous peut atteindre son rêve et au-delà se rassembler dans la grande famille américaine pour s'assurer que la prochaine génération pourra à son tour poursuivre ce rêve », a expliqué M. Obama. « C'est pourquoi je suis là ce soir. Parce que depuis 232 ans (l'indépendance des Etats-Unis, ndlr) à chaque fois que ce rêve a été menacé, des hommes et des femmes ordinaires, des étudiants et des soldats, des paysans et des enseignants, des infirmières et des balayeurs ont trouvé le courage de maintenir ce rêve en vie », a poursuivi M. Obama. Accueilli par une formidable clameur, il avait commencé son discours en disant qu'il acceptait la nomination démocrate « avec une profonde gratitude et une grande humilité ». Ces mots ont provoqué un nouveau cri, sorti de milliers de poitrines, qui s'est entendu à au moins deux kilomètres du complexe sportif. Le candidat démocrate, qui affrontera le républicain John McCain le 4 novembre, s'est montré mordant contre son adversaire. « Je ne pense pas que le sénateur McCain se moque de ce qui se passe dans la vie des Américains. Je pense simplement qu'il ne le sait pas. Autrement, pourquoi définirait-il la classe moyenne comme ceux qui gagneraient moins de 5 millions de dollars par an ? », a-t-il demandé. « Ce n'est pas parce que John McCain s'en moque. C'est parce que John McCain ne comprend pas », a ajouté M. Obama. Dès le début de son discours, Barack Obama avait rendu hommage à son ex-rivale Hillary Clinton, « la championne de la cause des travailleurs et une inspiration pour mes filles et les vôtres ». Il a également salué l'ancien président, Clinton, et le sénateur vétéran, Ted Kennedy. « En tant que commandant en chef, je n'hésiterai jamais à défendre ce pays, mais j'enverrai nos soldats risquer leur vie seulement pour une mission claire et avec l'engagement sacré qu'ils auront tout l'équipement nécessaire pour combattre et qu'ils bénéficieront des soins et des aides qu'ils méritent quand ils rentreront », a dit M. Obama. Il faut remonter à 1960 pour retrouver un candidat s'adressant à la nation américaine depuis un stade plutôt qu'un palais des congrès : John Kennedy, un homme à qui Barack Obama est souvent comparé. Selon Julian Zelizer, professeur d'histoire à Princeton, rien n'est encore joué : le discours de M. Obama a constitué « un bon départ » pour capter les 18 millions d'électeurs de Mme Clinton pendant les primaires, mais le candidat démocrate devra aller bien au-delà pour battre M. McCain. « Je ne pense pas que ce discours ait aidé en quoi que ce soit à conquérir les indécis », a affirmé l'universitaire. Il faudra plus que de simples discours pour le 4 novembre. Les Américains sont plutôt en position d'attente, et certains se méfient même de celui qui est désormais le candidat démocrate, alors que le pays sombre dans la récession, et s'enlise dans des guerres en Afghanistan et en Irak. C'est un programme clair avec des engagements précis qui sont attendus et rien d'autre.