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Lettre au Président Obama
THE DAY AFTER
Publié dans L'Expression le 03 - 11 - 2008

«Vous savez, ce pays, notre pays, a plus de richesses que n'importe quelle nation, mais ce n'est pas ce qui nous rend riches. Nous avons l'armée la plus puissante de la terre, mais ce n'est pas ce qui nous rend forts. Nos universités et notre culture sont jalousées partout dans le monde, mais ce n'est pas la raison pour laquelle le monde vient vers nos rivages. La raison, c'est l'esprit américain, la promesse américaine, qui nous fait avancer même quand le sentier est difficile» Barack Hussein Obama
Depuis près d'un an, les élections américaines, à tort ou à raison, ont envahi notre quotidien. Il est vrai que par mimétisme, les médias de tous les pays ne s'arrêtent pas de nous saturer d'informations à telle enseigne que par la force des choses, on arrive à connaître à notre corps défendant les arcanes de la politique américaine. Qu'en est-il exactement? Sans être devins, le sénateur Obama et assuré de devenir le 44e président des Etats-Unis d'Amérique. Nous allons décrire son parcours du combattant rapporter ses promesses et lui adresser une épître. Il est indéniable, avant toute chose, que l'élection d'un Noir est une révolution dans un pays qui a connu la guerre de Sécession. C'est dire, qu'en définitive, ce qui compte c'est la valeur intrinsèque des candidats. Pourtant ce ne fut pas une partie de plaisir. On dit que tous les coups sont permis dans une compagne électorale. Le moins que l'on puisse dire est qu'Obama n'a pas été épargné. Des scénarii ont même été échafaudés dans les officines républicaines avec des «âmes charitables» qui viennent nous éclairer sur cet «alien d'Obama». Ce fut d'abord le feuilleton Obama musulman, bien étudié entre autres par Daniel Pipes dont on connaît l'affection pour les Arabes: «(...) Comment les musulmans voient-ils Barack Hussein Obama? Ils ont trois possibilités: soit le considérer tel qu´il se présente lui-même, comme quelqu´un qui ´´n´a jamais été un musulman´´ et a ´´toujours été un chrétien´´, soit le considérer comme un musulman, soit encore voir en lui un apostat de l´Islam. Lee Smith du Hudson Institute explique pourquoi: ´´Le père de Barack Obama était musulman et donc, selon la loi islamique, il en va de même pour le candidat. En dépit des versets du Coran expliquant qu´il n´y a pas de contrainte en religion, un enfant musulman prend la religion de son père... en ces conditions, les musulmans de la planète, les musulmans non´´».(1)
Le meilleur poulain
Ce fut ensuite, la panoplie des possibilités de l'échec d'Obama: «Pour être franc, écrivait Peachy Carnehan, il n'y a plus grand-chose qui puisse faire perdre Barack Obama. A un monicagate: peu probable, L'Etat de l'Ohio: là-bas, au fin fond du Midwest, tout le monde vote républicain. Même le bétail. Selon un vieil adage cow-boy repris opportunément par l'équipe de campagne de John McCain ´´celui qui gagne l'Ohio gagne la présidentielle´´. Le retour de Ben Laden: Le diable Ussama était sorti de sa boîte à quatre jours des élections de 2004 dans une vidéo diffusée sur Internet et ´´authentifiée par la CIA´´». Relayé par les chaînes nationales américaines, le film provoqua un choc traumatique et médiatique qui emporta le candidat démocrate John Kerry. Un coup de force militaire: En septembre dernier, l'invasion russe de la Géorgie avait fait bondir John McCain dans les sondages. La guerre c'est son job, au vieux maverick. C'est même pour ça qu'il est devenu sénateur, comme ancien combattant du Vietnam. Pour preuve, les bombardements récents de villages syriens et pakistanais par des généraux américains un peu trop zélés (ou républicains?) n'ont pas fait gagner un seul point dans les sondages au lieutenant-colonel John McCain. L'effet Bradley: On connaît l'histoire, les Blancs ne votent pas pour un Noir quand ils se retrouvent seuls dans l'isoloir au moment du choix crucial. L'éradication physique de l'opposition c'est généralement la dernière carte du parti républicain.(2)
Obama menotté et reconduit à la frontière. Voilà ce que souhaite Philip Berg, procureur général de l'Illinois, à l'issue du procès qu'il a intenté au candidat démocrate Obama. Il ne s'agit pas d'un effet de style, ni d'une parabole mais d'une menace juridique sérieuse. L'accusation repose sur un fait simple, trivial même. Obama n' a jamais rendu public son acte de naissance. Par ailleurs, Obama ne figure sur la liste d'aucun hôpital à Hawaii, à commencer par les deux qu'il a cités. Personne n'est donc en mesure de confirmer les allégations d'Obama sur cette partie incontournable de sa biographie.(3)
Quelle est la marge de manoeuvre du désormais président Obama? Nous savons tous, en effet, que les gros donateurs d´Obama viennent de Wall Street: ces gens ont compris depuis longtemps qui était le meilleur poulain pour leurs intérêts. Même si ce candidat a nos faveurs, pour diverses raisons, surtout sentimentales, nous serions d´une naïveté désarmante pour croire que la gouvernance américaine sera autre chose que ce qu'elle est depuis toujours: impérialiste, aux plans culturel, militaire et financier. Dans une contribution du Monde du 30 octobre nous apprenons que le monde de la finance est étroitement lié à celui du pouvoir: «(...) L´enquête sur Goldman Sachs invite à le penser. Elle met, en effet, en lumière les relations très étroites, presque incestueuses, qui unissent la banque la plus puissante du monde et le pouvoir politique de la première puissance mondiale. Ainsi, le secrétaire au Trésor n´est autre que l´ancien patron de Goldman Sachs, Henry Paulson. Certes, ces relations consanguines entre Wall Street et Washington, entre la banque et les cercles du pouvoir, sont aussi anciennes que le capitalisme américain. (..) Il n´empêche. Aux Etats-Unis même, et pas seulement chez les concurrents envieux, cette omniprésence des anciens de "GS" suscite l´inquiétude. Ajoutons qu´une éventuelle accession de Barack Obama à la Maison-Blanche n´y changerait probablement pas grand-chose: les principaux noms cités pour succéder à M. Paulson au Trésor sont, on l´aura compris, ceux de banquiers de Goldman Sachs!» (4)
De fait, pour les Européens, la politique de Obama ne fait pas illusion. C'est ce qu'a indiqué John Glenn du German Marshall Fund: «Il serait erroné de considérer [Obama] comme un démocrate conventionnel uniquement guidé par les syndicats», a affirmé M.Glenn, Si les Européens ont tendance à privilégier M.Obama, M.Glenn a mis en avant le danger que pourraient représenter «des attentes artificiellement élevées».(..) A propos des approches de MM.Obama et McCain face à la crise financière actuelle, M. Glenn a estimé qu'il sera «plus facile pour le président Obama d'évoquer les régulations et l'avenir des marchés financiers». «Aucun des candidats ne considère la situation actuelle comme la fin du capitalisme ou la nationalisation des banques. Il s'agit pour eux d'une intervention significative du gouvernement dans le cadre d'une crise économique». M.Glenn ne s'attend pas à ce que la politique américaine à l'égard de la Russie soit très différente à l'avenir:
«Pour le meilleur et pour le pire, l'Amérique compte sur la Russie pour les négociations sur des questions fondamentales» comme la prolifération nucléaire. «Notre relation avec la Russie est trop complexe pour être considérée dans une perspective unidimensionnelle. Je pense que les deux candidats sont de cet avis». M. Glenn. a ajouté que «quel que soit le nouveau locataire de la Maison-Blanche, il aura l'occasion de restaurer la crédibilité des Etats-Unis à l'étranger.» (5)
Que faut-il retenir de la campagne? Ludewic Mac Kwin De Davy la résume d'une façon pertinente: «L'excitation autour de cette campagne surtout venant des zones géographiques où la misère a atteint des proportions inhumaines est réellement indécente. (...) L'élection de Barack Obama ne changera pas la face du monde, elle ne changera pas la souffrance des enfants qui se font exploiter dans les ateliers de la honte en Asie; elle ne changera pas l'existence des sans-domicile-fixe qui se meurent dans les rues de Paris en ces temps de froid; elle ne changera pas la violence du puissant et son arrogance; rien empêchera les anges noirs du complexe militaro-industriel de continuer à provoquer des conflits armés et à pousser le monde un peu plus dans le précipice du chaos absolu. Le business continuera qu'importe l'identité du nouvel occupant de la Maison-Blanche. (..) On parle trois secondes du tremblement de terre au Pakistan avec ses centaines de morts, on passe furtivement sur les atrocités au Congo, l'euphorie atteint des sommets vertigineux, et les donations massives en direction des deux candidats, qui seront élus pour renforcer l'impérialisme américain, sont de plus en plus importantes. Le plus dramatique dans cette histoire, c'est que tout ce carnaval traduit au fond l'état de ce monde définitivement atteint d'une sorte d'ivresse du désespoir». (6)
Qu'a promis le candidat Obama? Dans un discours-programme lumineux, Obama avait tracé, à Denver, les grandes lignes de sa politique. En gros, et en plus d'une rhétorique flamboyante, Obama fait retrouver les grandes défis de l'Amérique des pionniers. Ecoutons-le «(...) Amérique, nous valons mieux que ces huit années passées. Nous sommes un meilleur pays que cela! (...) Et, pour le bien de notre économie, de notre sécurité, et l'avenir de notre planète, je me donnerai un objectif clair en tant que président: en dix ans, je mettrai fin à notre dépendance vis-à-vis du pétrole du Moyen-Orient. Nous ferons tout cela. Washington parle depuis 30 ans de notre dépendance vis-à-vis du pétrole. Aujourd'hui, nous importons trois fois plus de pétrole que lorsque le sénateur McCain a été élu la première fois. Il est temps de mettre fin à cette dépendance et de considérer que l'exploration [pétrolière] n'est qu'une mesure transitoire, pas une solution à long terme, pas même l'ébauche d'une solution. En tant que président, j'investirai dans les technologies du charbon propre, et je trouverai les moyens de contrôler en toute sécurité l'énergie nucléaire. J'aiderai notre industrie automobile à se rééquiper, de telle manière que des voitures économes en énergie puissent être construites ici, en Amérique. Et j'investirai 150 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie dans les sources d'énergies renouvelables accessibles - l'éolien, le solaire, la prochaine génération de biocarburants, un investissement qui créera de nouvelles industries et 5 millions d'emplois bien payés et qui ne pourront pas être délocalisés. (...) Il faudra un sens des responsabilités renouvelé de la part de chacun d'entre nous, retrouver ce que John F.Kennedy appelait notre force intellectuelle et morale».
«Je finirai la guerre en Irak avec responsabilité et je finirai la lutte contre Al Qaîda et les taliban en Afghanistan. Je reconstruirai notre force militaire pour affronter les conflits futurs mais je renouvellerai aussi la diplomatie directe, ferme, qui peut empêcher l'Iran d'obtenir des armes nucléaires et réfréner l'agression russe. Je construirai de nouveaux partenariats pour vaincre les menaces du XXIe siècle: le terrorisme et la prolifération nucléaire, la pauvreté et le génocide, le changement climatique et la maladie. Et je rétablirai notre réputation morale pour que l'Amérique redevienne le dernier, le meilleur espoir pour tous ceux qui veulent la liberté, qui veulent des vies en paix et qui aspirent à un futur meilleur. Telles sont les politiques que j'appliquerai. (...) Alors, accordons-nous sur le fait que le patriotisme n'a pas de parti». (7)
Sénateur Obama, désormais président, la vie de la planète est suspendue à cette prochaine administration sous votre gouverne. Président Obama, vous dites que vous êtes sur les traces de Martin Luther King, faites que les Etats-Unis soient un pays non-violent. Il est vrai que tous vos prédécesseurs ont marqué le passage chacun par une guerre faite à de petits peuples, seriez-vous celui qui ramènera la paix en Irak, en Afghanistan? Président Obama, vous dites que vous voulez régler le problème palestinien, ce peuple qui est sur sa terre depuis 2000 ans attend justice depuis qu'une certaine lettre d'un certain Lord Balfour promet cette terre- une seconde fois aux Juifs- il y a près d'un siècle. Le peuple de Palestine, les peuples arabes et par extension tous ceux qui ont soif de justice espèrent que vous aurez la force et la détermination pour y arriver. Président Obama, vous dites vouloir réhabiliter l'image de marque et le rêve américain, les citoyens et citoyennes des pays arabes aspirent autant que ceux et celles des Etats-Unis à une vie digne, dans laquelle ils peuvent faire des projets d'avenir, une vie où le mérite est récompensé loin de la corruption, seriez- vous celui qui va les aider à donner la pleine mesure de leurs talents?
Penser aussi aux autres
Président Obama, nous savons que vous aurez fort à faire avec tous les lobbys, pourriez- vous trouver le temps pour régler les problèmes économiques et financiers du monde en allant vers un monde plus juste qui permettrait aux damnés de la Terre que sont les pays pauvres de prétendre à un smic de dignité- conjurer la faim, avoir accès aux fondamentaux que sont la nourriture, l'eau la santé et l'école-? Président Obama, même la Terre n'en peut plus de supporter ses habitants, savez-vous que les pays industrialisés font que l'empreinte écologique est de 1,4 Terre, cela veut dire que nous sommes en train d'épuiser la Terre en la rendant de moins en moins vivable. A cette cadence, il nous faut une deuxième Terre à partir de 2030! Président Obama, pensez aux générations futures pas seulement aux Américaines et Américains d'aujourd'hui. Votre programme «énergie» est un pas dans la bonne direction, le Protocole de Kyoto devrait-sous votre impulsion- recevoir une seconde vie et une véritable perspective pour l'avenir afin de conjurer les changements climatiques qui sont une réalité. Pour conclure, nous attendons de vous que les Etats-Unis se réapproprient leur magister moral. Qu'ils contribuent par leurs actes à la sérénité d'un monde qui n'arrête pas d'être bouleversé. Président Obama, vous avez l'avantage d'avoir aussi des racines culturelles africaines. A défaut d'attendre de vous des miracles, le monde attend de vous que vous lui rendiez justice. Votre discours d'investiture de Denver permet d'y croire. C'est dire si nous n'avons pas d'autre choix que d'y croire.
1.Daniel Pipes. Barack Obama through Muslim Eyes. FrontPageMagazine.com 25 août 2008
2.Peachy Carnehan. Ce qui pourrait faire perdre Obama. Agoravox vendredi 31 octobre 2008
3.Cascabel Obama le sans-papiers: Agoravox 31 octobre 2008
4.La firme américaine Le Monde du 30 10 2008
5.John Glenn. Le protectionnisme d´Obama n´est qu´un discours électoraliste Euractiv 28 10 2008 6.Ludewic Mac Kwin De Davy: l'ivresse du désespoir... Agoravox 31 octobre 2008
7.Michel Gurfinkiel. 2008 Discours de Obama à Denver. Xalima, vendredi 29 août 2008


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