Une jeune femme fait une fausse couche, six personnes sont sauvées in extremis d'une hypothermie par noyade, une centaine de familles est sans logis et une protesta improvisée ! Tel est le bilan provisoire causé, mercredi, par les pluies abondantes (200 mm environ) qui se sont abattues sur la ville de Djelfa sans discontinuer durant une heure. Djelfa : De notre bureau D'autres dégâts non moins importants méritent aussi d'être signalés. Le rez-de-chaussée de huit immeubles de la cité des 54 logements, a été inondé, si bien que les occupants ont été contraints de quitter leurs appartements et d'en soustraire de justesse les quelques effets restés intacts. C'est surtout le bâtiment dont le vide sanitaire n'est pas entièrement fini qui a été affecté le plus par la montée spectaculaire des eaux. N'était l'intervention des riverains qui ont accouru pour ouvrir de force les conduits des collecteurs et dégorger ainsi les égouts et les avaloirs, l'addition aurait été plus salée. Un peu plus tard, les pompiers étaient à pied d'œuvre pour parachever l'opération de secours qui a duré près de deux heures. Les écoles prises d'assaut Aucune victime n'est à déplorer mais de nombreux meubles et appareils électroménagers ont été détériorés, voire mis hors d'usage. « Maintenant que les insuffisances urbanistiques sont mises en exergue, il faut faire preuve de diligence en prenant des mesures urgentes, afin de garantir la sécurité des personnes et des biens », fulmine notre interlocuteur, un habitant du coin qui, au passage, n'arrête pas de pointer du doigt un chantier attenant, qui dure, et dont l'état, lamentablement submergé d'eau, a favorisé le débordement vers l'enceinte de cette cité. Après cette étape, cap sur l'unité d'intervention des pompiers dans le but d'obtenir un bilan officiel, comme de coutume. A notre grand dam, le chef est occupé ailleurs, au parc de stationnement du siège de la wilaya, nous a-t-on répondu, paradoxalement au moment où un escadron de pompiers super équipé était déjà sur place. On nous prie donc de revenir plus tard pour le bilan. Entre-temps, nous nous sommes rendus au CEM Benayad qui sert d'hôtel de fortune en cette nuit d'averse à 54 familles issues pour la plupart d'un bidonville des alentours. Leur nombre est passé à 64 la deuxième nuit, ces sans-abri occupent 27 classes. Là, nous avons essuyé un véritable rush des occupants, visiblement en mal de communication et de dialogue avec les autorités. « Ma femme qui était à son 7e mois de grossesse a fait une fausse couche suite à l'effort fourni, alors qu'elle évacuait l'eau qui avait inondé notre taudis », lance un mari désabusé. Quant à B.S., le représentant du bidonville, il dira : « Nous avons eu droit à 17 couvertures, 20 matelas et des sandwichs pour un seul repas ! » Le nombre de familles secourues et les chiffres susindiqués ont été confirmés par M. Malah, un élu local en charge du problème, rencontré sur les lieux. Nous sommes revenus en sa compagnie la seconde nuit, pour la prise de photos. Tout le monde, femmes et enfants, voulait poser. « Ils y sont, ils y restent jusqu'à ce qu'on les reloge », ajoute B.S. « Nous avons des enfants et des bébés qui n'ont plus de toit », s'écrie de loin une femme en pleurs et au bord de l'hystérie. En effet, un pompier ayant requis l'anonymat nous a déclaré que les toits et les murs de certaines habitations se sont effondrés et qu'au final, 180 personnes se trouvent en situation de sinistré. Désormais, il y a matière à reconsidérer la donne puisqu'on doit, en plus d'aider et d'assister cette population, devoir la reloger. Il reste, cependant, à lui conférer le statut de sinistré, ce qui pour l'heure semble exclu car, à notre arrivée au lendemain de l'averse, la police était en pourparlers avec ces « sinistrés » en vue de les en déloger, certainement sur réquisition. Au même moment, alors que nous étions encore sur place, non loin éclate un mouvement de protestation de quelques dizaines de personnes qui ont, par réflexe, bouclé la RN1 à l'aide de grosses pierres. Tous les usagers ont dû rebrousser chemin, y compris des véhicules de la gendarmerie. Pression sur l'administration Le mouvement de masse n'a été dispersé qu'après que le maire eut convenu avec les trublions d'une rencontre au siège de l'APC, prévue pour aujourd'hui. Néanmoins, l'ambiance qui prévaut fait craindre le pire car, laisse-t-on entendre, si au bout de 48 heures l'on n'a pas entamé l'opération de recasement « longtemps attendue » par les 2182 recensés dans le cadre de l'éradication de l'habitat précaire, un assaut de nuit pour squatter les bâtiments neufs de la cité 100 maisons sera donné à partir de cette conurbation aux allures de favela, avec ce que cela suppose. En fait, ces agitateurs, loin d'être des victimes du sinistre, ont trouvé là une aubaine pour augmenter la pression et tenter de forcer la main à l'administration. Par ailleurs, le DSP révèle que les six personnes admises la nuit même à l'hôpital dans un état d'hypothermie ont reçu des soins intensifs et ont quitté l'hôpital le lendemain. Le DTP, quant à lui, rassure qu'aucun pont n'a subi de dommages, contrairement à la rumeur colportée avec insistance. « Il s'agit en fait simplement d'un mouvement des déblais survenu au niveau des jonctions du pont du contournement de la ville vers Alger. » Avant de repartir vers l'école primaire de la cité Wiam où 47 familles du bidonville de Bentaïba, situé en plein centre-ville, au milieu de bâtiments, ont passé la nuit et pris en charge en nourriture personnellement le directeur de cette école, un ancien élu, nous sommes revenus vers la caserne des pompiers, non sans avoir fait un crochet par le parc de la wilaya pour constater que les équipes de secours dépêchées par les directions de la Protection civile de Médéa, M'sila, Laghouat et Tiaret avaient terminé le boulot. Encore une fois, on nous assène que le chef n'est pas rentré de sa mission ! Il est midi et l'adjoint, malgré son haut grade, nous avoue qu'il n'est pas habilité à communiquer, encore moins à fournir un quelconque bilan... Sans commentaire ! Pour sa part, le directeur de Sonelgaz, bien qu'en congé et loin du théâtre des opérations, a daigné, quant à lui, répondre à notre question pour en savoir plus sur l'ampleur des dégâts matériels causés par la pluie : « Seule une station électrique rurale est en panne suite à des infiltrations d'eau et qu'une équipe est en voie de réparer, alors qu'une autre équipe est mobilisée pour l'inspection de tous les transformateurs de la zone industrielle. En fait, rien d'anormal en ce qui concerne le réseau électrique urbain. » En tout état de cause, ce qu'il y a lieu de retenir de ces deux journées, c'est l'absence d'esprit de solidarité, qui aurait dû permettre de mieux affronter la catastrophe. C'est que la société civile, qui ne rate pas une occasion pour occuper en temps normal le devant de la scène, aura brillé par son absence. Où était le millier d'associations ? Pour conclure, il a suffi d'une heure d'averse, certes de forte intensité, pour que les défauts d'urbanisation ressortent au grand jour. Il est donc inutile de disserter sur les malfaçons commises dans les ouvrages tant elles sont nombreuses au niveau de tous les corps d'Etat. Enfin, la cellule de crise créée à cet effet par la wilaya et dont on n'a pas rencontré le moindre membre sur le terrain lors de notre long parcours, n'a pas jugé opportun de faire un point de presse !