Les partisans du troisième mandat pour Bouteflika viennent d'essuyer une verte semonce de là où ils l'attendaient le moins : le RND. Le parti du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, l'une des pièces maîtresses de l'échiquier présidentiel, s'est détaché sensiblement de la rhétorique en vogue sur le supposé succès de la réconciliation nationale. Un communiqué de ce parti ayant sanctionné la réunion de son bureau national ce week-end est venu appuyer, subtilement, la charge sonnée par l'un des bras droits de Ahmed Ouyahia, Seddik Chihab, contre les ratés de la démarche du Président. Le RND réitère certes son attachement « complet » à la réconciliation nationale, mais assorti d'un sérieux bémol comme pour marquer ses distances. Le parti de Ouyahia considère, en effet, que « toute déviation de cette réconciliation constituerait un succès que pourrait engranger le terrorisme… ». En fait, par déviation, le bureau national du RND fait sans doute allusion aux inconséquences de la démarche présidentielle (la réconciliation) évoquées mercredi par le vice-président de l'APN, Seddik Chihab. « Il est anormal que les terroristes bénéficient de privilèges et que les patriotes se sentent lésés », a lâché ce membre influent du RND, si peu habitué à ce genre de coup de sang a fortiori à l'égard d'un « dogme » présidentiel. Et alors qu'on attendait un rappel à l'ordre de son parti sur cette embardée au discours officiel, voilà qu'il le conforte en termes sibyllins. La sortie médiatique de Seddik Chihab est donc publiquement assumée par Ahmed Ouyahia et ses collaborateurs. Ouyahia appuie Chihab Il est pour le moins difficile de croire que le propos frondeur de Seddik Chihab soit un acte politique isolé qui n'aurait pas l'onction du chef. Le communiqué du RND rendu public hier n'a d'ailleurs pas manqué de rendre hommage aux « patriotes » dont le sort peu enviable a inspiré le coup de pied dans la fourmilière de la réconciliation nationale du député. On retiendra que c'est la première fois que ce parti émet de sérieuses réserves sur les « bienfaits » de la démarche du président Bouteflika. Et au-delà de cette perception nettement nuancée, il faut noter le timing choisi pour porter ce coup d'estoc. Le RND avait largement le temps de dire le « mal » qu'il pensait de la réconciliation nationale dont les textes d'application ont été adoptés voilà deux années. Le renvoi de son patron Ahmed Ouyahia de la chefferie du gouvernement aurait pu être l'occasion idoine de régler ce compte. Mais le rassemblement – par calcul politique ? – a réservé ses… réserves à six mois de l'élection présidentielle. Il est évident que les critiques de ce parti partenaire de l'Alliance présidentielle, qui plus est renforcé par la récupération de la tête du gouvernement, ne vont pas plaire à Bouteflika et ses partisans. Une sorte de casus belli contre lequel ils ne pourraient pas réagir sinon par une « explication verbale » pour éviter que l'affaire ne déborde. A la veille de la pré-campagne pour la présidentielle, il serait mal inspiré de renvoyer à nouveau Ouyahia pour lui faire payer « l'impair » de son bras droit au risque d'ouvrir un front intérieur, alors que la cote de Abdelaziz Bouteflika est déjà en berne. Cela étant dit, bien qu'elle ne soit suffisamment commentée par les médias, la tirade de Chihab a étonné plus d'un observateur en ce qu'elle tranche avec le devoir de réserve que recommande le compagnonnage politique d'un président mentor de la réconciliation nationale. De là à conclure que le RND a entamé le travail de sape à la « ouhda thalitha », c'est un pas que d'aucuns hésitent encore à franchir. FFS, l'invité surprise Tel n'est pas le cas du RCD qui, au terme de son conseil national, observe que « la fameuse révision de la constitution et le très pathétique troisième mandat semblent abandonnés même par les thuriféraires les plus zélés ». Le parti de Sadi Sadi croit même que la fin « de ce régime est inéluctable » et que les questions qui se posent au peuple algérien concernent « désormais la nature de l'alternative politique et la manière d'y parvenir ». De son côté, le FFS s'invite curieusement à l'élection présidentielle, lui qui a de tout le temps tourné le dos au « spectacle ». « Notre but fondamental est la démocratisation du pays. Faisons en sorte que l'élection présidentielle soit une étape et une chance pour atteindre ce but », a souligné le parti d'Aït Ahmed dans la déclaration finale de son camp d'été rendue publique hier. Cet enthousiasme retrouvé pour les joutes politiques du FFS, couplé aux doutes du RCD et aux réserves du RND ne peuvent relever théoriquement de la simple coquetterie politique. Elles sonnent le début des grandes manœuvres. Surtout qu'elles interviennent au moment où Belkhadem fait maladroitement diversion sur les « francophones » et la langue française qui seraient le mal de l'Algérie et de son université ! En attendant l'hypothétique oracle qui serait rendu du palais présidentiel, le dérouté et contesté chef du FLN promet de convaincre Bouteflika de postuler à un troisième mandat « même si le président n'est pas convaincu ! ». Mais au vu de ce subit emballement de la scène politique à une poignée de mois du rendez-vous d'avril 2009, tout porte à croire qu'il sera difficile de convaincre un président qui ne serait pas lui-même convaincu…