Le bureau national du RND, dans un communiqué rendu public hier, déclare ne pas vouloir “anticiper sur les évènements” en considérant que la question de la présidentielle n'est pas posée dans la conjoncture actuelle. Bien évidemment, une telle sortie de l'instance centrale du parti de Ahmed Ouyahia braque immédiatement les regards vers le matraquage de plus en plus soutenu du SG du FLN en faveur d'un troisième mandat présidentiel, pour Bouteflika. Et c'est donc presque tout naturellement qu'on crédite cette montée au créneau du RND du souci d'un point d'ordre opposé à l'empressement de ses partenaires de l'alliance d'atteler, si on peut se permettre l'expression, “la charrue avant les bœufs”. Etant dit que le président de la République n'a esquissé le moindre pas en ce sens, ce qui équivaudrait alors à un feu vert. Mais ce qui est surtout remarquable, c'est ce superbe timing qui fait le clin d'œil à la sortie du président du Sénat Abdelkader Bensalah en prenant les allures d'une remise des pendules à l'heure, qui n'offre malheureusement pas à Ahmed Ouyahia l'opportunité de repositionner autrement le RND sur la question de la présidentielle. M. Bensalah, l'autre gros poids lourd de ce qui est communément admis comme la deuxième force politique du pays, qui s'est exprimé sur la question lors de l'examen au Sénat de la loi de finances 2008, avait ainsi engagé son parti sur orbite présidentielle en optant sans équivoques pour un troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika. “Après tous les progrès réalisés par le pays sur le plan socioéconomique, après le rétablissement de la paix longtemps espéré par les Algériens, a-t-on le droit d'opter pour un choix autre que celui que nous avons fait huit ans auparavant ?” La question ne semble plus se poser donc au sein du RND à moins de considérer que le président du Sénat engage ici un cavalier seul ou encore implique le Sénat et les courants qui le traversent. Ahmed Ouyahia avait-il la possibilité de désavouer Bensalah sans dommage sur la cohésion qui a toujours fait la réputation du RND ? Le secrétaire général du RND aura peut-être été mis devant le fait accompli, et ne pouvait courir le risque de remous en allant à rebours des déclarations du président du Sénat. Pourtant, c'est de notoriété qu'au sein de certains cercles influents du parti, Ahmed Ouyahia reste un ticket gagnant pour la prochaine présidentielle. Le maintien du suspense autour de la position du RND, quant à un troisième mandat pour Bouteflika, relève d'une stratégie qui veut pousser la logique d'un Ouyahia présidentiable jusqu'aux limites que voudrait imposer Abdelaziz Bouteflika lui-même. Autrement dit, jusqu'au moment où le président de la République émettra expressément le vœu de briguer un autre mandat. Auquel cas la candidature de Ahmed Ouyahia ne serait plus d'actualité. D'autant mieux que ce dernier avait déclaré en 2006, lors d'une conférence de presse sanctionnant les travaux de la 6e session ordinaire du conseil national du RND, “je ne me présenterai jamais contre Bouteflika !” C'est peut-être le cas aujourd'hui. Le bureau national reprocherait donc à Abdelkader Bensalah plus qu'à ses partenaires de l'alliance présidentielle d'avoir prématurément mis Ahmed Ouyahia en demeure de se positionner par rapport à cette sensible question. Il est vrai que l'évocation d'un troisième mandat pour Bouteflika par Abdelaziz Belkhadem, en pleine campagne électorale, reste ce bon prétexte pour Ouyahia de répliquer publiquement, avec de lourds sous-entendus, à Abdelkader Bensalah. Mais il faut reconnaître que c'est pratiquement la première fois que la question est franchement abordée par le RND à la faveur du communiqué d'hier. En effet, la formulation classique qui voudrait dans la bouche de Ahmed Ouyahia que la question de la présidentielle et, conséquemment, la révision de la Constitution relèvent des prérogatives exclusives du chef de l'Etat est singulièrement étoffée de tournures de phrases qui ne laissent plus aucun doute sur le soutien du RND à Abdelaziz Bouteflika si celui-ci venait à briguer la présidentielle. “Nous attendons la décision du premier magistrat du pays à ce sujet pour prendre la position appropriée”, indique le bureau national du RND. Le parti de Ouyahia veut donner ainsi l'impression de ne pas avoir encore tranché la question, tout en suggérant paradoxalement que c'est chose faite, dès lors qu'il ne peut aller autrement que vers un appui à la candidature de Abdelaziz Bouteflika. N'est-ce pas qu'une telle position ne souffre aucune ambiguïté ? Sauf que le RND se démarque de la manière outrancière dont le FLN défend la question, en développant un argumentaire ayant cette vocation de motiver le soutien à la candidature par des conditions qu'il estime objectives. C'est ainsi qu'il subordonne un troisième mandat de Bouteflika à l'action que celui-ci devra encore mener au service de l'intérêt national et l'intérêt des citoyens. En filigrane, le parti de Ouyahia se met au diapason d'une suprême ambition qu'il estime partager avec Abdelaziz Bouteflika et se positionne dans l'échiquier politique comme une alternative au FLN sans devoir user des mêmes moyens que le parti de Belkhadem pour y parvenir. C'est dans cette veine qu'il “refuse l'instrumentalisation de l'image du président de la République, Président de tous les Algériens durant la campagne pour les locales”. En conséquence, le parti de Ouyahia estime que le meilleur service à rendre à Abdelaziz Bouteflika dans la perspective d'un troisième mandat c'est surtout “l'amélioration des conditions de vie du peuple pour préparer le cadre idoine à la tenue de l'élection présidentielle en 2009”. Zahir Benmustapha