Situé à l'extrême nord de la commune de Taourirt Ighil, perché sur une montagne et offrant une extraordinaire vue panoramique sur les communes de Beni Ksila, Adekar et El Kseur, le village Aït Seid fut vidé, rasé puis brûlé par le colonialisme dès le début de la révolution. Ses habitants, éparpillés un peu partout à Alger, revenaient progressivement à des périodes ponctuelles de l'année. En 2008, leur présence au village a frôlé les 100 %. En fait, les villageois n'avaient jamais tout à fait abandonné leur village, même si hormis la saison des olives et l'été, le nombre de présents ne dépasse guère la dizaine. Ils sont probablement les plus proches de leurs demeures et de leurs terres, même s'ils habitent si loin. Une cinquantaine de maisons a été reconstruite « par nos propres moyens », précisent Slimane et Omar, deux sympathiques guides. La plupart des oliviers incendiés au début des années 90 ont été remplacés par de jeunes plants qui commencent déjà à donner leurs fruits. Le défrichage, la reconstruction de la Djemaâ du village, en faïence et décorée de tableaux retraçant la vie quotidienne kabyle, sont autant de signes d'intérêt porté au village et à la tradition. Le plus extraordinaire est cette tradition typique à Aït Seid où, tous les 20 et 21 août, une date non moins symbolique, quasiment depuis l'indépendance, la majorité des villageois se retrouvent autour d'un couscous géant préparé collectivement et appelé « thimensiwth ». Thimensiwth de cette année a pris une envergure particulière avec le bitumage de la route qui vient à peine de s'achever et qui relie le village au CW 34, sur une distance de 8 km environ, ce qui rend l'accès plus facile et encourage les plus récalcitrants à revenir fêter cette réalisation tant attendue et réclamée depuis si longtemps. M. Djamel, président de l'association sociale « Thidoukla », fraîchement créée dans le village pour faire face aux besoins, se réjouit de la présence de tous : « Habituellement, la présence des villageois installés ailleurs ne dépassait pas les 50 %, cette année nous frôlons les 100 %, c'est du jamais vu. Nous avons égorgé quatre taureaux et préparé 5000 repas. » Cet événement est toujours placé sous le signe des retrouvailles et du partage dans la mesure où tous les villages de la commune, et même au-delà, ainsi que les autorités locales, sont invités à venir partager, ce mets dans la pure tradition. Aussi, les membres de l'association, la plupart des jeunes arborant des badges, ont assuré une organisation sans faille ; les visiteurs sont reçus à plus de 500 mètres du village pour être bien orientés. Sur les objectifs de cette tradition et de la création de cette association, son président parle d'opportunité de rassembler le millier de personnes qui constitue l'ensemble de la population éparpillée du village, de discuter des meilleures manières de trouver des solutions aux problèmes d'ici, mais surtout de permettre aux enfants de retrouver leurs racines, leurs repères et de s'imprégner des réalités des villages kabyles. Il est effectivement réel d'entendre à travers toutes les ruelles et aux abords des maisons, les hommes, les femmes et les enfants parler un kabyle impeccable et de voir les femmes habillées de robes kabyles. Même les visiteurs étrangers n'ont pas manqué de relever la convivialité, à travers notamment le repas généreux servi dans de grands plats traditionnels collectifs. De son côté, le P/APC de Taourit-Ighil, présent sur les lieux, s'est dit honoré et a pris acte des insuffisances relevées, notamment le manque d'un réseau fiable d'AEP et de pistes agricoles. Slimane et Omar, la quarantaine, n'attendent que ça et souhaitent s'installer définitivement au village de leurs ancêtres non sans une poignée de nostalgie.