Les harraga sont devenus des délinquants et donc passibles de peine de prison s'ils sont attrapés par les services de police algérienne. Si, par un miracle, ils atteignent l'Europe, direction prison puis charter pour un retour forcé. Il faut donc s'interroger pourquoi il y a toujours autant de candidats à l'aventure, à l'exil, au prix de leur vie. Les gouvernements du Sud ne veulent pas s'interroger de peur d'étaler au grand jour leur incurie. Au Nord, l'Europe se dit qu'elle n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde. Et donc voguent les pirogues vers Lampedusa et les îles Canaries. Arrivés à Paris, Madrid ou Rome, là où les attendent les hommes en bleu. Fadela Hebbadj a décidé de s'intéresser à une mère malienne avec son fils qui embarquent depuis Dakar vers Marseille. Une épopée de la traversée. Unique femme à bord, Mama doit faire face à la superstition et à la folie des hommes. Payer de son corps pour fuir, pour ne pas mourir. Partir, c'est mourir beaucoup aussi. Fadela Hebbadj a donné la parole à cet enfant de six ans pour raconter l'exil, les exils. On oublie souvent que les sans-papiers sont aussi privés de parole. Nasser, avec une langue imagée, métaphorique, raconte son Paris. Les squats, l'errance, la peur du policier (pas du gendarme), les foyers africains, la solidarité, la solitude. La traversée n'est pas une parenthèse. Une fois arrivés en France, les sans-papiers (immigrés, immigrants ?) découvrent un autre monde, rarement ressemblant au pays fantasmé. L'auteure, enseignante en philosophie, donne à voir, à écouter. D'une écriture très travaillée, le roman pêche un peu par son ambition. Comme si témoigner ne suffisait pas, l'auteure cherche aussi à démontrer. Les mots mis dans la bouche de Nasser sont quelquefois trop lourds pour lui, pour un enfant de six ans. Et c'est là que réside la faiblesse de ce premier roman. Un enfant n'a pas un langage d'un agrégé, d'un adulte. Des moments de grande vérité se dévoilent quand Nasser retrouve son langage, son univers d'enfants qui s'étonne de l'univers de ses aînés. Fadela Hebbadj, L'Arbre d'ébène, Buchet Chastel