Fortement médiatisée en France, l'affaire du petit Mohamed, enfant algérien retrouvé seul à Marseille il y a quelques semaines et dont la mère est poursuivie pour défaut de papiers justifiant son adoption, n'a suscité aucune réaction de la part des autorités algériennes. Si elles ne sont pas directement concernées, elles sont néanmoins interpellées par un dossier sensible : celui de la kafala et de ses effets à l'étranger, spécialement en France. Si cette mère qui se dit adoptive n'exhibe pas un acte de kafala établi par un tribunal algérien, cela signifie qu'elle n'a pas suivi la procédure légale, c'est-à-dire le transit par une des DAS des wilayas du pays sous tutelle du ministère de la Solidarité qui permet le recueil d'un enfant dans une des pouponnières du territoire national. Ce document permet à l'enfant l'inscription à l'état civil avec possibilité de concordance de nom avec ses parents adoptifs. Il y a risque, ce qui est courant, qu'il y ait eu adoption illégale, c'est-à-dire « arrangement » soit avec la mère biologique soit avec un membre du personnel de la structure de santé où la mère biologique pourrait avoir accouché puis abandonné l'enfant . Le dossier pourrait se compliquer s'il est établi que le petit Mohamed est entré clandestinement en France, ce que soupçonnent les autorités françaises ; en réalité c'est sur ce terrain-là qu'elles attendent la mère du petit Mohamed. C'est la seule chose qui les intéresse ; le fait que l'enfant dispose ou soit dépourvu d'identité leur importe peu. Ils n'ont jamais reconnu le document qu'est la kafala judiciaire. Peu de familles algériennes établies en France qui désirent adopter un enfant en Algérie et l'amener vivre avec elles concrétisent leur désir. Et lorsqu'elles y arrivent, après un parcours du combattant des plus éprouvants, leur enfant muni d'un acte de kafala ne bénéficie pas des mêmes droits que les autres enfants. Pourtant, la kafala établit une forme de recueil légal très proche dans son esprit et ses effets de l'adoption simple qui est dans le droit français la seconde forme d'adoption après l'adoption plénière. La France se distingue des autres pays européens par son durcissement. Elle a introduit dans sa législation une discrimination au seul motif du lieu de naissance de l'enfant. Un délai de résidence de 5 années est requis pour que les enfants recueillis et élevés par une personne de nationalité française puissent bénéficier de la nationalité française. En France, la société civile milite pour changer cette donne. En Algérie, l'affaire du petit Mohamed devrait pousser les autorités à se pencher sérieusement sur le dossier de la kafala. Un enfant, quel qu'il soit, n'a pas demandé à venir au monde. Une fois né, l'enfant abandonné par ses parents biologiques a droit aussi au bonheur. Seule une famille peut le lui donner. C'est l'enfant du cœur. Cette philosophie n'irrigue pas encore l'Etat algérien, qui a certes fait un grand pas en instaurant la concordance de nom pour les enfants mekfoul, mais ne manifeste pas beaucoup d'intérêt pour revoir le dispositif de la kafala, totalement dépassé aujourd'hui et plein d'incohérences. Ainsi, à titre d'exemple, l'enfant mekfoul ne peut même pas être inscrit sur le livret de famille.