Les dizaines de cas d'intoxication enregistrés dernièrement à Skikda ne sont pas à classer dans la case des faits divers. Au contraire, ils devraient plutôt inciter à réflexion. Dans ce sens, une question se pose aujourd'hui : que serait-il arrivé si l'origine de cette intoxication provenait d'un des innombrables marchés hebdomadaires qui pullulent dans la ville ? Comment aurait-on réussi dans ce cas à identifier l'éventuel revendeur pour engager les procédures administratives d'usage ? La réponse est toute faite : si une malheureuse intoxication proviendrait de ces marchés, aucune autorité, civile ou sécuritaire, ne serait en mesure de reconnaître la source, pour la simple raison qu'il n'existe aucune identification des vendeurs ambulants qui exposent dans les marchés de Skikda. Ce sont des lieux hors norme et aussi, hors la loi. Tout un chacun peut venir étaler sa marchandise, la vendre et repartir comme s'il n'a jamais existé et quand on apprend que Skikda détient le triste record national du nombre de marchés hebdomadaires, six au total, l'inquiétude ne fait que se multiplier. Le problème des marchés à Skikda représente donc une véritable plaie qui, non seulement défigure un paysage urbain déjà assez malmené, mais pose aussi un grave problème de santé publique, d'éthique et de sécurité. Une simple virée dans ces souks suffit amplement à se faire une idée des dangers qu'ils font peser et aussi sur les innombrables incommodités et nuisances qu'ils causent aux riverains. D'abord, il faut retenir que l'APC de Skikda qui gère ces lieux n'a aucun listing des vendeurs, qui comme l'exige la loi, devraient au moins disposer d'un registre de commerce de marchand ambulant. Personne ne peut aujourd'hui donner le nombre d'exposants qui arpentent ces marchés, ni savoir si ces derniers possèdent vraiment un registre de commerce, encore moins connaître leur identité. Les souks de Skikda sont de véritables terrains vagues, ouverts à quiconque, sans horaire d'ouverture ni de fermeture. On peut y vendre et y exposer à l'air libre sans aucune norme d'hygiène des fruits et légumes, de la viande, du laitage, du poisson, de la zalabia, des olives…enfin tous les produits de consommation qui nécessitent des conditions d'hygiène strictes. Les prix affichés ne différent guère de ceux appliqués dans les magasins. Selon des personnes bien au su du monde du commerce et des prix, la grande majorité des exposants dans les marchés ne sont, en réalité, que des commerçants disposant de locaux qui viennent de plusieurs wilayas et trouvent à Skikda une belle aubaine pour écouler, en toute quiétude et en toute illégalité, leur marchandise sans avoir à l'inclure dans le chiffre d'affaires. C'est de l'évasion fiscale légalisée. D'autre part, ces lieux qui dans la théorie devraient constituer une source financière pour la collectivité, sont dans la réalité une source de dépense et de nuisance. Les déchets qu'ils laissent représentent en temps, en effort et en moyen, beaucoup plus qu'ils n'apportent. En plus de cet aspect, ces lieux ne disposent même pas d'un plan de secours et les habitants des cités concernées par cette anarchie, vivent un grand calvaire. Il est même arrivé à certains d'entre eux de trouver d'énormes difficultés pour évacuer des malades, voire même d'enterrer un mort. Ces souks cloisonnent en effet toutes les cités et les habitants se voient chaque semaine obligés de se lever très tôt pour pouvoir sortir leurs véhicules. Et comme ces souks ne disposent pas de sanitaires, les cages d'escaliers limitrophes servent d'urinoir et des fois, excusez le terme, de lieux de…passe ! Alors, faut-il fermer ces marchés ? Pour éviter tout excès, disons qu'il serait plutôt utile de les réglementer au sens large du terme. Car il faut admettre que le populisme peut des fois avoir l'effet inverse. La crainte d'y toucher pour éviter tout trouble à l'ordre public parait dans ce cas très…déplacée. Ceux qui vendent dans ces souks ne sont pas des jeunes chômeurs, mais plutôt des commerçants trop nantis pour se permettre de se déplacer en semi-remorque. Plusieurs stands abritent des marchandises dont la valeur est trop importante pour appartenir à un jeune chômeur. Si on veut faire du social et du populisme, autant bien le faire en réglementant ces souks et en donnant une véritable chance aux jeunes chômeurs de Skikda, et ils sont des milliers à soutenir les Arcades. Pour rester dans l'esprit du mois de Ramadhan, disons que « charité bien faite commence par soi même ». A bon entendeur…