Faïza Guène est un nom à retenir. Française d'origine algérienne, elle vient de publier son premier roman intitulé Kiffe Kiffe demain. Un véritable phénomène, ce roman s'est déjà vendu à plus de 80 000 exemplaires en France depuis sa publication au mois d'octobre 2004. Faïza Guène est qualifiée par de nombreux critiques comme étant la nouvelle Françoise Sagan des « banlieues ». En effet, comme Sagan, Faïza Guène signe un gros succès à l'âge de vingt ans, avec une histoire simple, des mots simples et le tout donne à penser. le monde selon doria Faïza Guène, qui appartient à la deuxième génération d'émigrés algériens en France, assume son identité sans complexe et avec conviction. Kiffe Kiffe demain s'affirme dans le paysage littéraire de cette rentrée avec une langue absolument exquise où s'entremêlent verlan, français châtié et expressions en arabe algérien. L'ensemble donne à lire une histoire où l'humour se mêle parfois à la tristesse, où les rires se mêlent aux pleurs, où l'observation la plus fine démontre une intelligence et une sensibilité à fleur de peau, l'ironie étant au cœur du récit. La narratrice, l'adolescente Doria, raconte son histoire et sa perception de la société avec un œil acerbe, critique. Aucune complaisance n'est de mise et le point de vue de ceux qui sont rejetés à la périphérie, des cas sociaux, est mis en avant, amplifié. La banlieue où vit la narratrice, Livry-Gargan, devient un lieu vivant où ceux qui y habitent démontrent qu'ils ont des sentiments et des ressentiments, qu'ils ne sont pas dupes, qu'ils ont le sens de la justice et des solutions à leurs problèmes si seulement on les écoutait. Doria donne à lire un point de vue de l'intérieur de ces banlieues tant décriées par « des journalistes mythos avec leurs reportages dégueulasses sur la violence ». Kiffe Kiffe demain parle de la détresse des femmes, toutes générations confondues, de celles qui se battent envers et contre tout, surtout quand les maris sont absents, que les enfants sont livrés à eux-mêmes, souvent sans le sou. Doria se démène toute seule avec sa mère qui se fait exploiter dans une formule 1 à Bagnolet pour survivre et s'en sortir. Le roman est un journal intime dans lequel la narratrice est révoltée, critique de tout, sans lamentation ni jérémiades, mais plutôt avec un humour décapant et caustique : « Rien que le sweat que je porte en ce moment, même l'abbé Pierre n'en voudrait pas. » Ou encore l'histoire de ce pull mauve acheté dans une friperie par sa mère : « Elle a réussi à l'avoir pour un euro... comme je ne voulais pas la vexer, je l'ai porté au lycée, mais j'avais un mauvais pressentiment, je le trouvais suspect ce pull ... avec des étoiles et un truc en anglais écrit dessus, c'était ”sweet dreams” (fais de beaux rêves). Cette saloperie de pull mauve, c'était le haut d'un pyjama. Je savais que j'aurais dû être plus attentive pendant les cours de miss Baker en sixième. » Et le roman se conjugue de cette manière, d'histoire en histoire, toutes sarcastiques. Doria donne libre cours à son imagination comme lorsqu'elle raconte que sa mère est amoureuse du maire de Paris « qu'elle l'a vu à la télé poser la plaque de commémoration à Saint-Michel, en souvenir des Algériens balancés dans la Seine pendant la manifestation du 17 octobre 1961. » Sa mère « kiffe Bertrand Delanoë » et Doria imagine une demande en mariage avec un grand poster dans Paris avec cette phrase sous la photo d'identité de sa mère : « Je te kiffe grave, monsieur le maire, call me. » La télévision ponctue le récit avec ses émissions phares et ses personnalités avec humour, où toutes ces femmes de banlieue regardent Les Feux de l'amour et les commentent après au marché du coin. Doria connaît à fond la télévision, ce loisir pas cher qui permet de survivre. Le « kifkif » du début du roman passe à « Kiffe Kiffe demain », plein d'espoir d'une génération qui ne se laisse pas faire et qui s'impose. Kiffe Kiffe demain est publié chez Hachette littérature.