Le temps était à la jubilation et à la réconciliation en ces jours de fête de l'Aïd. Tout le monde était sur son trente-et-un en se prêtant au rituel des hiératiques accolades. C'est l'occasion des retrouvailles dans la bonne humeur entre membres de la famille, voisins et amis. C'est aussi l'opportunité de se défaire de la rancœur, de ravaler la rancune et de ranger les armes, l'intervalle d'une fête. Tant mieux… Mais ce qui paraît pour le moins surprenant, c'est cette propension à vouloir imprimer les stigmates d'une violence latente sur notre progéniture. Il s'agit de cette scène que nous renvoie l'espace public à chaque occase. Celle-là même qui se résume dans cet éventail de jouets ludiques « made in China » qui essaiment les trottoirs des quartiers grouillants au grand bonheur des enfants. Des joujoux qu'on propose à pleine vue aux chérubins, dont les parents se font un plaisir à leur offrir, à la veille de l'Aïd Sghir. Histoire de satisfaire leurs caprices et répondre gauchement à leur pulsion dynamique, estiment d'aucuns. Pistolets tous types de design, couteaux, poignards, grenades, épées, sabres et je ne sais quoi encore sont le lot qu'étalent les petits revendeurs qu'alimentent les containers importés par les grosses mouches qui passent les mailles de nos frontières sans coup férir. Comme l'activité commerciale des produits pyrotechniques qui sont interdits à l'usage et à la vente depuis 1963 – dans les textes seulement –, ces jouets ludiques sont entrés dans les mœurs de nos enfants. La puissance publique reste, quant à elle inerte, voire de marbre au point de se confondre. C'est la fête et l'outrance est permise, croit-on savoir. Mercredi dernier, une dame a eu une peur bleue et failli tomber dans les vapes en voyant un garçonnet lui pointer son « Magnum » ou sa « Winchester ». Le policier en faction ne savait quoi faire, sinon hocher la tête en signe de réprobation face à cette conduite insouciante du petit, dont la gourde maman, confuse, n'a trouvé mieux que de détaler. Au final, une question s'impose à l'esprit : y a-t-il une différence entre un ballon de baudruche que tient d'une main un gosse et une arme joujou brandie de l'autre main ? En clair, ce genre d'usage de jouets qu'on dit inoffensifs, ne constitue-t-il pas le terreau d'une violence potentielle ? Surtout que nous venons de sortir d'une tragédie.