Le bilan des inondations qui ont ravagé mercredi dernier la région de Ghardaïa, qui ont fait 33 morts et 48 blessés, pouvait-il être moins lourd ? Abdelhamid Boudaoud, architecte urbaniste et président du Collège national des experts-architectes (CNEA), n'hésite pas une seconde pour répondre par l'affirmative. Il dénonce « le cadre urbanistique anarchique et désastreux, l'assainissement qui fait défaut et l'anarchie des gravats ». Il pose aussi le problème des constructions inachevées qui ont atteint 1,7 million sur tout le territoire national. Selon lui, « le poste de directeur technique existe au niveau des APC, mais il manque généralement d'expérience juridique, technique et de relation humaine. Les APC n'ont aucune maîtrise du territoire de la commune, alors que dans des pays qui se respectent, ils sont nommés par décret après une bonne dizaine d'années passées sur le terrain ». Dans les années 1970, on avait 1 architecte pour 1 million d'habitants ; aujourd'hui, l'Algérie a 22 architectes pour 100 000 habitants. Nous sommes dans les normes internationales, mais il faut les responsabiliser et leur donner les moyens nécessaires pour mener leur mission dans de bonnes conditions. La vocation de l'architecte est de participer à tout ce qui relève de l'aménagement de l'espace et plus particulièrement de l'acte de bâtir. Les APC doivent avoir une stratégie bien claire. Elles pêchent par manque de vision et de projection, essayant plus de réagir par à-coups sur les fâcheux événements qui, bien souvent, les surprennent. Sept ans après la catastrophe de Bab El Oued, « nous sommes de mauvais élèves qui ne voulons pas apprendre ». A. Boudaoud relève aussi l'inexistence de « cités d'urgence ou même une réserve de logements pour reloger les victimes les plus touchées. On continue à se rabattre sur les écoles et les stades. Les responsables ne savaient pas à quel saint se vouer et quoi faire après la catastrophe ». Le parc de logements de la wilaya de Ghardaïa est composé de 69 610 logements, dont 7865 habitations précaires (vieux bâti). L'urbanisation galopante a ajouté au désordre urbanistique. Les signes révélateurs de cette dégradation sont décryptés par la fissuration et l'effondrement des murs des constructions et le pourrissement des troncs de palmiers, utilisés jadis comme charpente de toiture. Les constructions sont réalisées en pierre (calcaire dolomitique), chaux et « timchem » (plâtre traditionnel) ainsi que de troncs de palmiers et de palmes, ce qui fait de Ghardaïa une zone inondable. Pendant des décennies, la délivrance des permis de construire a été assurée avec une certaine désinvolture. L'urbanisation en Algérie est telle que l'espace foncier constructible n'est pas toujours suffisant et l'autorité chargée de la délivrance du permis de construire balance souvent entre la pression des demandeurs, qui cherchent à obtenir des droits à bâtir, et la crainte d'engager sa responsabilité quand elle autorise un projet. Les maisons situées sur l'une des deux rives, une plus basse que l'autre, ont été détruites ou ont subi de graves dégâts, selon plusieurs témoignages. Entre 300 et 600 habitations ont été touchées, ce qui a entraîné un nombre considérable de sinistrés. L'oued est sorti de son lit emportant sur son passage des personnes et aussi des véhicules.