Photo : M. Hacène Par Abderrahmane Semmar Le crédit immobilier ne facilitera pas l'accès au logement pour les Algériens. En tout cas, il est loin de soulager l'Algérie de sa crise lancinante du logement. C'est du moins ce que les architectes et les promoteurs immobiliers ont révélé hier lors d'une table ronde consacrée par le centre de presse d'El Moudjahid au thème de la promotion immobilière. Rassemblant des représentants du ministère de l'Habitat, du Collège national des architectes et des promoteurs spécialisés, le débat et les interventions ont vite mis en exergue les déficiences de la politique du logement menée par le gouvernement. Et si ce dernier place tous ses espoirs dans le crédit immobilier pour répondre à la demande du logement, architectes et promoteurs rétorquent, par contre, que ce dernier ne sera qu'un simple coup d'épée dans l'eau. Et pour cause, le problème de la mise à disposition du foncier et les prix exorbitants des terrains empêchent la réalisation de nouveaux logements et encore plus l'acquisition de logements réalisés par le citoyen lambda. «Aujourd'hui, le prix du mètre carré de terrain à Alger varie de 30 000 DA à plus de 150 000 DA. Pour réaliser un logement collectif à Alger, le prix du m2 nous revient à 200 000 DA ! C'est dire si le coût du logement demeure très élevé dans notre pays. Et c'est une réalité qui touche toutes les régions d'Algérie. Dans ce contexte, nous avons fait une étude où nous avons démontré que, pour qu'un Algérien puisse acquérir un logement, il lui faut 75 ans de travail et ce, sans toucher à son salaire», explique Abdelhamid Boudaoud, architecte urbaniste et président du Collège national des experts architectes (CNEA). Pour lui, le crédit immobilier, déjà très peu accessible au commun des citoyens, ne répondra en aucun cas à la demande en logement tant que le problème du foncier, les prix élevés des matériaux de construction et l'absence d'un plan d'urbanisme caractérisent encore le secteur de l'habitat dans notre pays. De leur côté, les banquiers abondent dans ce sens et assurent que le crédit immobilier, en vigueur en Algérie depuis longtemps, ne peut satisfaire la demande en logements au regard de la faiblesse de la «solvabilité de la population». «Dans les pays développés, le prix du mètre carré tourne autour du SMIC. Chez nous, il est dix fois supérieur au SNMG. Dans ce contexte, le marché du logement est biaisé», souligne M. Metref, chargé du département crédit au CPA, qui nous apprend également que le crédit immobilier ne peut couvrir que «40% au maximum du coût du logement». Dès lors, ni l'apport initial du demandeur de logement ni les assouplissements fiscaux, exonération de la TVA, par exemple, ne pourront boucler le montage financier nécessaire à l'acquisition d'un logement. Les salaires dérisoires des Algériens ne leur permettent donc pas d'acquérir un logement décent. Pour sa part, M. Khenouche, de la CNEP, estime que c'est l'accès à la propriété qui cause problème en Algérie. «Tout le monde veut devenir propriétaire et personne n'explore les voies de la location», analyse-t-il, suggérant d'encourager les crédits dans le secteur des transactions entre particuliers et le marché du logement ancien. Le constat des experts est sans appel à ce propos. Sur un autre chapitre, les promoteurs privés considèrent que le problème du logement ne sera pas résolu tant que leur part du marché ne dépassera pas les 5%. A peine 8 000 logements sont réalisés annuellement par la promotion libre. Pour les agences et les promoteurs immobiliers, il est important d'augmenter cette part à 20% et ce, «pour qu'il y ait une adéquation entre l'offre et la demande dans le marché», notent-ils en signalant que l'offre de logements doit être dynamisée par l'accompagnement financier des banques au profit des promoteurs. Ces derniers réclament surtout des crédits pour l'acquisition du foncier, lequel se fait de plus en plus cher et de plus en plus rare dans certaines régions. Une rareté et une cherté qui s'expliquent par les retards enregistrés dans le recensement cadastral du foncier national. Et avec seulement 100 agents de cadastre et près de 500 géomètres, l'Algérie n'est pas près de sortir de l'ornière. Ajoutez à cela la vétusté des instruments d'urbanisme, le non-respect par les collectivités locales des textes régissant le secteur des constructions et de l'habitat ainsi que la flambée des prix des matériaux de construction, et vous aurez tous les éléments constitutifs d'une crise qui dure depuis des décennies dans notre pays. Alors pourquoi nous faire croire que le crédit immobilier est la formule miracle ?