Le procès de l'Angolagate, retentissante affaire de trafic d'armes présumé vers l'Angola dans les années 1990 et dans laquelle sont impliquées des dizaines de personnalités françaises, politiques et hommes d'affaires, s'ouvre demain à Paris. Au total 42 personnes, dont l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, le fils aîné de l'ex-président François Mitterrand, l'homme d'affaires français Pierre Falcone et le milliardaire israélien Arcadi Gaydamak, comparaissent pour leur implication dans ce scandale, et encourent de 5 à 10 ans de prison. Jusqu'au 4 mars, le tribunal tentera de démêler les responsabilités et ramifications dans ce vaste trafic d'armes présumé vers l'Angola entre 1993 et 1998, pesant quelque 790 millions de dollars et qui empoisonne depuis plusieurs années les relations entre Paris et Luanda. En effet, même si aucun Angolais ne figure parmi les prévenus, l'accusation estime qu'une trentaine d'officiels, de premier rang, dont le président Eduardo Dos Santos, auraient touché d'énormes pots-de-vin dans cette affaire. Jets privés, palaces, yachts, palais des ministères, valises de cash et meurtrière guerre civile africaine : le décor de l'affaire, comme son casting, est digne d'un thriller hollywoodien. En Angola, le président José Eduardo Dos Santos cherchait en 1993 à se procurer chars et munitions pour terrasser les rebelles de l'Unita, mais la France refuse. Des contacts officieux l'amènent à l'homme d'affaires Pierre Falcone. Bien introduit auprès de Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, Falcone s'associe à l'Israélien d'origine russe Arcadi Gaydamak qui, lui, avait des contacts dans les états-majors de l'ancien bloc soviétique pour dénicher l'arsenal nécessaire. 420 chars, 150 000 obus, 170 000 mines antipersonnel, 12 hélicoptères, six navires de guerre... : Les contrats s'empilent avec des marges de 50%, et les associés s'enrichissent via une cascade de sociétés-écran, en menant grand train. L'argent angolais (provenant de la manne pétrolière) est viré sur des comptes de différentes sociétés, à Paris, Genève ou Tel-Aviv, avant d'atterrir chez des sociétés écran à Jersey, dans les îles Vierges britanniques ou Monaco. Les responsables du trafic arrosent aussi, notamment en cash, leurs dizaines d'obligés, selon les enquêteurs. Parmi les bénéficiaires français présumés de ces pots-de-vin figurent les intermédiaires comme Jean-Christophe Mitterrand, Charles Pasqua et son bras droit Jean-Charles Marchiani. Il y a aussi l'écrivain Paul-Loup Sulitzer, contacté pour redorer dans les médias, l'image sulfureuse des deux hommes, ou encore l'ancien sherpa de François Mitterrand, Jacques Attali, appelé à la rescousse pour user de son influence dans un redressement fiscal. Il y a enfin de nombreux employés de Brenco, la société de Pierre Falcone installée dans les beaux quartiers parisiens : les jeunes « hôtesses » chargées d'accueillir les invités de passage, notamment les militaires angolais. Le juge Jean-Baptiste Parlos et ses deux assesseurs n'auront pas trop de 58 audiences pour passer au crible le dossier. Ils devront se passer de Gaydamak, réfugié en Israël. Récemment condamné à 4 ans de prison ferme pour fraude fiscale, Falcone, qui a fait appel, devrait, a priori, être là. Les trois juges devront aussi affronter un tir de barrage de la défense pour laquelle ce procès n'a pas lieu d'être, puisque les armes ne transitaient pas par la France, un argument récemment repris par le ministre de la Défense, Hervé Morin. Car pour le gouvernement français, ce procès tombe mal, au moment où la France cherche à se rapprocher d'un Angola apaisé, riche en pétrole. En mai dernier, le président Nicolas Sarkozy s'était rendu à Luanda.