Si la date du 5 octobre 1988 a marqué un tournant dans l'histoire de la République algérienne, elle constitue pour des centaines de jeunes un passage vers une destinée tragique et incertaine. Kerkache Mourad avait 19 ans lorsque le 6 octobre 1988 une balle venant de l'arme d'un policier lui transperçât le corps pour le condamner à vivre sur une chaise roulante le restant de sa vie. Sans être aux premières loges de la contestation, Mourad Kerkache était en cette journée fatidique du 6 octobre dans son quartier de Bach Djerrah, lorsqu'il sentit le projectile pénétrer dans son poumon droit et le toucher à la colonne vertébrale. « je n'ai pourtant rien fait. Je n'ai même pas manifesté. Je marchais dans mon quartier lorsqu'une balle perdue m'atteignit. Au début, j'ai cru que je n'avais rien. J'ai tenté de me lever, en vain. Du sang sortait de ma poitrine. Un ami m'avait alors transporté à l'hôpital où je suis resté sous surveillance médicale », nous confie Mourad, qui vingt ans après le drame veut être indemnisé. « C'est la balle de la police qui m'a touché, et c'est à la direction de cette même police de m'indemniser où de prendre en charge mes soins », estime notre interlocuteur qui avait pourtant rendu destinataire le directeur général de la police d'une demande d'indemnisation en 1994. « j'attends toujours une réponse », nous précise-t-il. Kerkache Mourad, qui n'arrivait pas à croire qu'il était toujours en vie en arrivant à l'hôpital, souffre toujours des séquelles de cette sombre journée du 6 octobre. « J'ai subi plusieurs opérations et j'ai été victime d'une erreur médicale. J'ai été touché à l'urètre et, depuis, je porte une sonde. Mon état réclame la plus grande attention. Ma vessie est dans un état grave et je dois absolument être pris en charge », souligne Mourad, qui ne comprend pas le manque de considération de l'Etat pour les victimes d'octobre. « Pourquoi une victime du terrorisme a-t-elle droit à des millions de centimes d'indemnisation et à une pension respectable et pas moi ? Ne suis-je pas aussi victime ? C'est la même balle qui nous a touchés », nous dit Mourad en ajoutant cette phrase lourde de sens : « c'est pourtant grâce à des jeunes comme ceux du 5 Octobre qu'il y a eu la démocratie. » Et d'ajouter : « j'ai été heureux de ne pas mourir ce 6 octobre. Je pardonne même à ce policier qui m'a tiré dessus. Mais l'Etat doit m'aider. Aujourd'hui, cet Etat est très riche et il doit penser à nous. » Avec une pension de 10 000 DA et une famille à charge, Kerkache Mourad espère que son appel trouvera enfin un écho.