Le PDG de la compagnie aérienne Aigle Azur, Arezki Idjerouidène, livre dans cet entretien à la fois son analyse sur l'investissement dans notre pays et les grands axes de la stratégie de développement mise en branle par l'entreprise qu'il dirige. Selon ses dires, l'Algérie est l'un des rares pays qui offrent encore d'innombrables opportunités d'investissement, même si investir dans notre pays « n'est pas chose aisée ». Abordant la situation actuelle de la compagnie Aigle Azur, il souligne que désormais celle-ci « est la troisième compagnie française et son pavillon flotte de nouveau dans tout le bassin méditerranéen ». Et d'affirmer : « Nous avons procédé au renforcement de notre flotte avec l'acquisition d'un nouvel appareil, ce qui la porte à 11 Airbus de type A319, A320 et A321. » Vous êtes à la tête d'une importante compagnie aérienne qui ne cesse de grandir depuis votre arrivée. Quelle était jusqu'ici votre check-list en tant que PDG de la compagnie Aigle Azur ? Il n'est pas facile de répondre à une telle question. Nous évoluons dans un secteur dont aucun des opérateurs n'est maître. C'est un secteur qui est par nature à la fois difficile et versatile. Ce qui est valable aujourd'hui peut ne plus l'être demain. Penser qu'il suffit d'établir une « check-list » et de s'y conformer pour réussir, relève de l'utopie. En revanche, on peut toujours se fixer des objectifs généraux à plus ou moins long terme ; dans ce cas, l'important est de bien tenir son cap et surtout savoir et pouvoir s'adapter aux réalités d'un marché en perpétuelle mutation, à l'application stricte des dispositions et des réglementations nouvelles, tout en essayant d'assurer la pérennité des terrains conquis. En ce qui concerne Aigle Azur, depuis la reprise en 2001, beaucoup de choses ont naturellement été faites. Pour les réaliser, certaines des décisions que nous avons prises, l'ont été de façon opportune et en fonction des conjonctures, alors que d'autres figuraient déjà dans la colonne de nos objectifs. Mais au-delà de l'aspect économique, le but ultime que nous recherchions était plutôt d'ordre affectif. Il nous fallait, en effet, absolument redonner un peu de sa splendeur à cette compagnie qui avait connu de très belles heures de gloire et qui malheureusement allait, dans une indifférence totale, sombrer dans l'oubli. Je crois, à mon avis, que c'est ce qui nous a motivés et qui a servi de ferment à toutes les actions que nous avons entreprises. Cela a servi également à catalyser l'ensemble de nos énergies. Il me semble que ce but a été atteint. Aigle Azur est aujourd'hui la troisième compagnie française et son pavillon flotte de nouveau dans tout le bassin méditerranéen. Dans le cadre du renforcement de la flotte et du réseau de votre compagnie, vous avez procédé récemment à de nouvelles acquisitions. Aigle Azur est-elle aujourd'hui en mesure de répondre à la demande notamment, sur les lignes France-Algérie ? Et quelles sont les parts d'Aigle Azur sur ce même marché ? En effet, nous avons procédé au renforcement de notre flotte avec l'acquisition d'un nouvel appareil, ce qui la porte à 11 Airbus de type A319, A320 et A321. Cette nouvelle acquisition était nécessaire, compte tenu des destinations que nous avons mises en place, notamment avec l'ouverture des vols sur le Mali, le renforcement des fréquences avec le Portugal et, tout récemment, le démarrage de la ligne Marseille/Alger, absolument indispensable pour notre présence en région Provence.Quant aux dessertes que nous assurons vers l'Algérie, il serait bon de noter que nous sommes confrontés à une configuration tout à fait particulière, compte tenu de deux facteurs importants que sont la saisonnalité très marquée pendant l'été, les vacances scolaires et les fêtes ainsi que les flux directionnels qui en résultent. Pendant ces périodes de grands départs, les taux de remplissage de nos appareils sont très importants dans leur phase aller et généralement assez faibles à leur retour. En fin de saison, nous retrouvons exactement, le même schéma, cette fois durant la phase des retours où les flux sont alors complètement inversés. Pour nous, ce phénomène est extrêmement pénalisant, car il se fait sentir sur le calcul de nos cœfficients de remplissage qui ne sont pas toujours très bons dans les deux sens. Pourtant, nous devons nous préparer pour ces courtes périodes qui réclament néanmoins d'importantes capacités auxquelles nous devons répondre de la manière la plus efficace. Ainsi, chaque année, durant la saison estivale, nous mettons en place un véritable pont aérien entre la France et l'Algérie, avec tout ce que cela suppose en mobilisation de moyens humains et matériels. En ce qui concerne les autres périodes, nous prévoyons généralement des vols supplémentaires à chaque fois que la demande se fait sentir. Nous savons que la destination Algérie a un potentiel limité et une évolution lente. C'est pour cela qu'à la concentration, nous avons privilégié l'étalement géographique de nos dessertes, où pour certaines nous avons fait œuvre de pionniers. Aujourd'hui, Aigle Azur dessert, en plus d'Alger, 13 capitales régionales, pour certaines quotidiennement, au départ des 7 plus grandes villes françaises. C'est grâce à cette couverture de l'ensemble des aéroports algériens, ce qu'aucune autre compagnie internationale n'a encore jamais fait que la part de marché d'Aigle Azur avoisine aujourd'hui les 42%. Aigle Azur fait l'objet depuis quelque temps de diverses attaques de la part de certaines parties, lui reprochant « des incidents et des défaillances répétitives ». Existe-t-il une volonté de déstabiliser cette compagnie ? Si vous voulez parler d'une opération concertée ! Permettez-moi d'en douter. Je ne vois pas comment et à qui elle pourrait servir. Cela dit, nous ne sommes jamais à l'abri d'une critique, pour telle ou telle raison. Elles sont généralement émises par des clients insatisfaits, réactions normales et légitimes, mais qui ne vont jamais au-delà d'un courrier de réclamation que nous nous efforçons de régler au plus vite, souvent au bénéfice du plaignant. Ce genre de situation est classique, je dirais même courant. Toutes les compagnies aériennes connaissent ce phénomène. Mais je ne crois pas que c'est de cela qu'il s'agit. Vous faites certainement allusion à cette campagne de dénigrement d'un média contre Aigle Azur, il y a de cela quelque temps. J'en suis encore à me poser des questions, car je n'ai pas compris le pourquoi de tant d'acharnement et de virulence dans ses propos ? D'ailleurs, la presse nationale qui nous connaît bien, ne s'est pas intéressée à ces écrits, sentant peut-être qu'il n'y avait effectivement pas de matière crédible. Les incidents techniques mis en avant n'ont été qu'un prétexte. Car pour qui connaît le secteur de l'aérien, ces pannes techniques sont le lot quotidien de toutes les compagnies aériennes du monde. C'est pour cela que chaque appareil nécessite pas moins de 15 mécaniciens et techniciens pour sa seule maintenance en ligne. De plus, nos appareils et notre maintenance sont audités régulièrement par la DGAC française, l'une des plus strictes au monde. Penseriez-vous un seul instant que nous laisserions voler un avion défaillant ? Le temps pris sur l'horaire pour réparer un incident technique n'est-il pas le meilleur gage de sérieux et de sécurité qu'une compagnie aérienne peut offrir à ses passagers ? Nous effectuons quotidiennement, toutes destinations confondues, plus de 80 vols sur le bassin méditerranéen et l'Afrique ; nous avons transporté en 2007 plus de 1,6 million de passagers sans aucun souci. Pour nous, la sécurité de nos passagers passe avant tout. Croyez-moi ! Nous faisons tout pour que nos avions arrivent à bon port et dans les temps. Or, sur ce point, je pense que dans leur immense majorité, nos passagers sont plutôt satisfaits de nos prestations. Ils nous le font souvent savoir et nous assurent, à chaque fois, de leur fidélité. Sur le plan technique, quels sont les collaborateurs choisis par Aigle Azur pour l'entretien de ses moteurs d'avion ? Et quelle est la situation actuelle de votre flotte ? Je ne m'étalerais pas sur le sujet. les références que je vais vous citer vous donneront une idée précise du sérieux que nous accordons à la maintenance de nos avions, pour lesquels nous avons choisi les meilleures entreprises : Safran, Snecma et Air France Industrie pour la maintenance de nos moteurs CFM. C'est également à Air France Industrie que nous faisons appel pour les grandes visites et l'accès au « pool » pièces détachées. Je précise que dans leurs secteurs respectifs, ces entreprises sont connues pour être des leaders mondiaux dans leur profession. Aigle Azur a, par ailleurs, sa propre société de maintenance en ligne, Azur Technics, afin de se libérer de la sous-traitance. Elle dispose aujourd'hui de ses propres ingénieurs et techniciens, tous formés dans les grandes écoles. Quant à notre flotte, elle est constituée dans son ensemble, depuis quelques années déjà, d'appareils de type Airbus. Nous possédons aujourd'hui 11 appareils de modules différents, A319, A320 et A321, leur moyenne d'âge se situe entre cinq et six ans. L'alignement des tarifs de votre compagnie sur ceux d'Air Algérie est obligatoire. Cette condition est-elle en mesure de freiner le cours normal de la concurrence ? Pas du tout ! Je pense, bien au contraire, que cette condition constitue une véritable assurance pour le passager, comme elle confine l'aspect concurrentiel sur le reste des prestations offertes aux passagers. La raison est simple : en Algérie, les tarifs ne bénéficient pas d'une totale liberté, comme ils ne sont soumis à aucune obligation d'alignement systématique sur ceux de la compagnie nationale. Cependant, il existe des tarifs homologués, ce sont des tarifs IATA imposés à toutes les compagnies. Les tarifs réduits ou promotionnels que nous proposons doivent être, quant à eux, soumis à l'appréciation de l'autorité de l'aviation civile qui a le pouvoir, soit de les accepter ou de les rejeter. Ce contrôle n'est pas fortuit, il relève d'une philosophie de la DACM qui a le souci de veiller à l'économie des lignes. En d'autres termes, un tarif jugé trop bas peut être refusé afin de préserver la viabilité économique de telle ou telle ligne et garantir ainsi son exploitation. Nous le constatons à chaque défaillance de compagnies aériennes qui entraîne l'abandon de plusieurs milliers de passagers. C'est justement parce qu'à chaque fois, ces mêmes compagnies ont volé à perte sur leurs lignes. Le secteur aérien connaît des perturbations spectaculaires au point que des compagnies importantes sur le marché, le dernier cas en date est celui d'Alitalia, risquent de mettre la clef sous le paillasson. Quelle est votre analyse et quelle serait la place des compagnies nationales dans ce ciel plutôt gris du marché mondial ? Je ne veux pas jouer à l'oiseau de mauvais augure, mais l'actualité, malheureusement, est là pour nous le rappeler ; l'avenir de certaines compagnies nationales en terres européennes pour la plupart, car c'est là que vont s'effectuer les plus gros bouleversements, reste plutôt incertain. Par le jeu des alliances, beaucoup d'entre elles seront, un jour ou l'autre, aspirées au moindre signe de fragilité. C'est dans l'ordre des choses. Cela ne veut pas dire qu'elles disparaîtront, elles iront tout simplement grossir le patrimoine, déjà très important, des groupes internationaux qui se forment. Dans quelques années, le monde aérien aura un tout autre profil, je pense qu'il restera en Europe 2 ou 3 grandes compagnies. L'effervescence « low-cost » s'essouffle et avec les conséquences de la crise financière actuelle, il n'est pas impossible que certaines d'entre elles finissent par jeter l'éponge. Vous avez abandonné l'acquisition de la compagnie maritime Cnan Maghreb Lines. Cette question a fait couler beaucoup d'encre. Vous êtes décidément mieux placé pour répondre à la question de savoir quels sont les motifs exacts de ce retrait ? J'avoue franchement qu'il ne s'agit nullement d'un retrait ou d'un quelconque abandon, ce qui n'est pas dans notre nature, mais plutôt les conséquences inévitables d'un échec de la négociation, ce qui est complètement différent. Dans le cadre de cette acquisition, un cahier des charges précis avait été élaboré par la SGP Transport ; il a été parfaitement accepté et scrupuleusement respecté par le groupe GoFast. Le désaccord, qui s'en est suivi, est dû aux nombreuses modifications qui ont, sans cesse, été apportées à ce dernier, perturbant le contexte originel de la négociation. Sont venues, à cela, se greffer de nouvelles et inacceptables exigences de la SPG, auxquelles se sont rajoutées les résolutions du CPE qui sont de fait imposables. Le résultat est qu'à chaque changement, nous nous sommes éloignés un peu plus des modalités initiales. Nous ne pouvions dans ces conditions poursuivre les discussions. Ce sont donc tous ces différends et désaccords, que je qualifierai de majeurs, qui sont à l'origine de l'impossibilité, pour notre groupe, de prendre une quelconque participation dans le capital de la Cnan. Votre groupe est-il prêt à prendre un second envol dans le domaine des reprises des entreprises publiques ? Bien naturellement et je dirais même plus que jamais. J'ai toujours cru et je crois encore profondément en l'avenir de mon pays. Je crois également qu'un développement harmonieux de son économie est toujours possible et qu'il finira par se construire. L'Algérie fait partie des rares pays au monde qui offre encore d'innombrables opportunités. Les investisseurs le savent bien et n'en sont que plus séduits. Cependant, et tout le monde le sait, investir aujourd'hui en Algérie n'est pas chose aisée. Il reste beaucoup de secteurs à caractère bureaucratique qui nécessitent un véritable assainissement et qui freinent encore les investisseurs, qu'ils soient nationaux ou étrangers. Nous savons aussi que les pouvoirs publics sont en train de tout mettre en œuvre pour aplanir la situation afin d'accorder certaines facilitations. Ce qui est important, c'est qu'il existe une véritable volonté de notre gouvernement et je pense qu'elle ne souffre d'aucune ambiguïté. Notre présence en Algérie date du début des années 1980 ; nous avons traversé, comme tous les Algériens, des périodes très dures, cette présence nous continuerons à la renforcer naturellement dans le secteur qui est le nôtre, mais aussi dans d'autres secteurs comme le tourisme, par exemple. Nous y réfléchissons.