Devenu une icône de la lutte antimafia avec son livre best-seller sur la camorra, Gomorra, Roberto Saviano a annoncé son intention de quitter l'Italie après de nouvelles menaces de mort, devenant le premier écrivain italien à prendre une telle décision à cause de la mafia. « Je quitterai l'Italie, au moins pour un certain temps, ensuite on verra », a-t-il annoncé hier dans La Repubblica (gauche). L'écrivain-journaliste vit sous protection policière depuis deux ans en raison de ses enquêtes contre la mafia napolitaine dont il a tiré son livre. Saviano (28 ans) a fait cette annonce au lendemain d'informations selon lesquelles le clan le plus puissant de la mafia napolitaine, les Casalesi, projetait de l'assassiner avec ses gardes du corps en raison de son livre qui a « foutu le bazar », selon les confessions d'un repenti du clan. « Que le succès aille se faire voir ailleurs (...) Je veux une vie, je veux une maison. Je veux tomber amoureux et boire une bière en public. Je veux prendre le soleil, marcher sous la pluie et rencontrer sans peur ma mère. Je veux rire et non parler de moi comme si j'étais un malade en phase terminale », confie-t-il dans une longue lettre à La Repubblica, quotidien auquel il collabore. Le livre de Saviano, une plongée dans l'empire de la mafia napolitaine avec ses trafics, ses chefs, nommément cités, et ses clans, a rencontré un succès inattendu avec plus de 1,2 million d'exemplaires vendus en Italie depuis sa parution en 2006. Traduit dans une quarantaine de langues, il a été adapté au cinéma et a obtenu le prix du jury au dernier festival de Cannes avant d'être choisi pour représenter l'Italie aux Oscars. Selon Wlodek Goldkorn, chef du service culturel de l'hebdomadaire L'Espresso auquel Saviano collabore, la mafia a tué des journalistes, mais « c'est la première fois qu'un écrivain doit quitter l'Italie à cause » du crime organisé. « C'est un scandale pour l'Italie. Salman Rushdie (visé par une fatwa iranienne à la suite de son livre les Versets sataniques) était menacé de l'étranger pas de l'intérieur. Gomorra est une victoire du courage et de la culture contre la mafia, mais ce départ est une défaite de l'Etat », a-t-il ajouté. Saviano a pris sa décision malgré de nombreux soutiens, du chef de l'Etat, Giorgio Napolitano, à l'archevêque de Naples, Mgr Crescenzio Sepe, en passant par les ténors de la droite et de la gauche.