Les frontières demeurent une source de conflits en Afrique. L'Union africaine (UA) essaie de mettre en œuvre le « programme frontières » adopté à Addis Abeba en juin 2007. Pour ce faire, elle procède par blocs régionaux. Ainsi, un premier atelier a été consacré ce week-end à l'Afrique du Nord. Organisé au Centre africain d'études et de recherches sur le terrorisme (CAERT) d'Alger, cet atelier vise à prévenir structurellement les conflits et à promouvoir l'intégration régionale et continentale. La rencontre a vu la participation d'éminents experts africains en la matière. Le commissaire à la paix et à la sécurité de l'UA, Ramtane Lamamra, a souligné, dans son intervention à l'ouverture des travaux, la complexité du problème dans plusieurs régions du continent noir. Il estime que seulement « moins d'un quart des frontières africaines sont délimitées et démarquées ». Autrement dit, les trois-quarts des frontières africaines restent à délimiter. Cela sans parler des problèmes liés à l'entretien des bornes frontalières. M. Lamamra affirme que les opérations de délimitation continuent à « se heurter à des problèmes multiples, y compris d'ordres technique et financier ». La non-définition des frontières maintient, d'après lui, l'existence de « zones floues » à l'intérieur desquelles l'exercice de la souveraineté nationale peut s'avérer problématique. « Dans ces zones, un simple différend entre deux communautés peut déboucher sur des tensions entre Etats », souligne-t-il, affirmant que lorsque ces zones recèlent des richesses naturelles, la situation peut se compliquer davantage. La non-délimitation des frontières constitue, aux yeux du commissaire, une véritable « entrave » aux processus d'intégration régionale et continentale. Pour M. Lamamra, « délimiter les frontières, c'est supprimer toutes les limites au bon voisinage, au partenariat et à la convivialité entre les populations vivant dans les zones frontalières ». Il explique que l'UA vise par son programme à « transformer la frontière-barrière en passerelle de solidarité ». Il s'agit donc d'aller vers la facilitation de la délimitation et de la démarcation des frontières africaines qui ne l'ont pas encore été, mais aussi de renforcer les dynamiques d'intégration mises en œuvre dans le cadre des communautés économiques régionales et de développer la coopération transfrontalière. « Les zones frontières doivent, estime-t-il, devenir des points d'application privilégiés des programmes d'intégration du continent, au plan économique, culturel et social ». M. Lamamra a indiqué, dans le même contexte, avoir lancé cinq ateliers régionaux pour « populariser ce programme à l'échelle du continent pour en faire quelque chose que chacun de nos Etats doit s'approprier ». Respecter le principe de l'intangibilité des frontières Le commissaire de l'UA à la paix et à la sécurité plaide ainsi pour une approche d'ensemble. « Il ne faut plus que les problèmes de frontières soient traités seulement bilatéralement. Il faut qu'il ait cette approche d'ensemble qui fait qu'en déterminant ce qui appartient à chacun, nous facilitons la mise en commun de beaucoup de choses pour les pays africains ». La meilleure manière de définir les frontières, c'est d'abord, à ses yeux, de respecter « le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la période coloniale ». Une doctrine héritée de l'Amérique latine et non pas de l'Europe, précise-t-il. Si dans certaines régions du monde, la tendance est vers la fragmentation des Etats-nations, M. Lamamra affirme qu'en Afrique, c'est tout le contraire. « Nous sommes résolument dans la logique des Etats-nations qui doivent évoluer vers les rassemblements régionaux, vers les regroupements, puis vers l'intégration continentale. En aucune façon, les tendances vers la fragmentation ne servent la stabilité du continent, encore moins son intégration. S'il y a ailleurs des expériences d'une autre nature, elles ne sont pas nécessairement transposables à l'Afrique et elles ne servent pas forcément les intérêts de l'Afrique », a-t-il précisé. Le « programme frontières » de l'UA est soutenu notamment par le gouvernement allemand à travers GTZ, qui lui apportera à la fois un soutien financier et technique. L'Italie, comme le souligne le commissaire, s'est engagée à apporter une contribution financière à ce programme. Les Nations unies sont également sur le point d'élaborer un programme d'appui technique à cette démarche africaine. D'autres ateliers du même programme vont se tenir en 2009, notamment à Libreville pour l'Afrique centrale, à Windhoek pour l'Afrique australe et à Ouagadougou pour l'Afrique de l'Ouest. L'intégration continentale, indique encore M. Lamamra, se fait également au niveau des forces de sécurité. A partir d'aujourd'hui, il y aura une réunion sur l'opérationnalisation de la force africaine. Il y aura cinq brigades régionales dont une pour l'Afrique du Nord, qui comprend tous les pays nord africains membres de l'UA.