Mohamed Ziane Hasseni, diplomate algérien, a été interpellé puis mis en examen au prétexte que son nom présentait des similitudes avec le patronyme Hassani, objet d'un mandat d'arrêt international. Le feuilleton de l'été qu'était l'affaire dite Hasseni est en passe d'animer également la chronique politique hivernale en Algérie. Sous contrôle judiciaire depuis plus de deux mois, le diplomate algérien, arrêté incidemment le 14 août dernier à l'aéroport de Marseille, subit un contrôle judiciaire sur fond d'imbroglio politico-judiciaire inédit. L'opinion publique algérienne se trouve déroutée par cette affaire à rebondissements animée par deux ex-officiers des services, à savoir Hicham Aboud et Mohamed Samraoui, tous deux en rupture de ban avec leur hiérarchie. Objet de la discorde : l'identité du fonctionnaire arrêté à Marseille et ses liens réels ou supposés avec les commanditaires de l'assassinat à Paris, le 7 avril 1987, de l'avocat Ali André Mecili, membre fondateur du FFS et ancien officier du MALG, l'ancêtre de la sécurité militaire. Mohamed Ziane Hasseni a été en effet interpellé puis mis en examen au prétexte que son nom présentait des similitudes avec le patronyme « Hassani », objet d'un mandat d'arrêt international. La famille du présumé accusé et sans doute les autorités algériennes durent rectifier qu'il s'agissait en fait d'une simple méprise homonymique. Bien que l'Etat ait péché par une communication boiteuse sur cette affaire, des preuves auraient été fournies à la justice française pour étayer la thèse du quiproquo. Comble du paradoxe, ces précisions n'ont pas permis la levée du contrôle judiciaire sur M. Hasseni, bien au contraire, puisque la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris a rejeté le 14 de ce mois la demande d'annulation de la mise en examen. La plaidoirie de Hicham Aboud qui a innocenté Ziane Hasseni a vite été mise entre guillemets par la déclaration de son alter ego Mohamed Samraoui, qui dit le reconnaître formellement comme étant le commanditaire de l'assassin de Mecili sur des photos qui lui ont été présentées par un journal parisien. Cette intrusion de Samraoui est tombée comme un cheveu sur la soupe puisque la justice française semble l'avoir prise comme un argument massue pour fonder son éventuelle mise en accusation du diplomate. Pour cause, malgré plusieurs témoignages et autres déclarations de magistrats mais surtout l'optimisme béat des autorités algériennes, le fonctionnaire des Affaires étrangères est toujours sous contrôle judiciaire à Paris. Pendant ce temps, les autorités se murent dans un silence troublant, comme s'il s'agissait d'un simple ressortissant qui devrait compter sur ses moyens pour se sortir des mains de la justice française. Or nous sommes bien face à une affaire d'Etat qui engage toute l'Algérie dès lors que Ziane Hasseni, traîné devant la justice, est avant tout un haut responsable de la diplomatie algérienne. La boÎte de pandore Il n'est pas exagéré de considérer que cette affaire relève quelque part de la souveraineté nationale. Un groupe de citoyens dénonce d'ailleurs, dans une lettre ouverte au président de la République, « les carences des Affaires étrangères » et sa « frustration face à l'inqualifiable abandon d'un haut cadre de l'Etat livré pieds et poings liés en victime expiatoire ». Il est en effet curieux de constater l'incroyable nonchalance – du moins officiellement – des autorités dans cette affaire qui, a priori, aurait pu trouver un dénouement rapide par la simple présentation de pièces à conviction confortant cette histoire d'homonymie. Il a fallu attendre la semaine dernière pour entendre enfin Mourad Medelci prier son homologue français Bernard Kouchner de prendre « toutes les dispositions nécessaires pour un règlement rapide de la situation imposée au diplomate algérien, Hasseni Mohamed Ziane ». Une première démarche officielle à laquelle le patron du Quai d'Orsay a répondu simplement ceci : « Une procédure judiciaire est en cours. » Une réplique diplomatique suggérant que c'est à la justice de trancher dans cette affaire. Mais la justice française s'apprête précisément à mettre en accusation le diplomate algérien en ne tenant pas compte du fait que la personne ne serait pas le vrai présumé coupable de complicité dans l'assassinat de Ali Mecili. Une situation qui soulève moult questionnements. Pourquoi les autorités algériennes, si convaincues de l'innocence de leur cadre, n'ont pas jugé utile de fournir toutes les preuves matérielles pour que la justice française prononce logiquement un non-lieu ? Si Mohamed Ziane Hasseni est juste la victime collatérale d'un vrai coupable qui serait Rachid Hassani, qu'est-ce qui empêche les autorités algériennes de livrer le vrai coupable, ou le cas échéant le juger en Algérie ? Il est clair qu'au-delà du sort du diplomate algérien pris « en otage » à Paris, à tort ou à raison, se cache une crainte de voir l'affaire Mecili resurgir 21 ans après. Cet assassinat étouffé par la complicité de deux raisons d'Etat risque en effet de faire tache d'huile et d'éclabousser ceux qui étaient aux commandes en France, mais surtout en Algérie, au moment des faits. Aussi, faire la lumière sur cet assassinat politique équivaudrait ipso facto à ouvrir une boîte de pandore. Ziane Hasseni est-il le bouc émissaire d'une scabreuse affaire d'Etat ? La question de fond est là.