Walongia (1964), le premier roman de Babango Kalamarü (1), trace minutieusement un destin de femme qui échappe à la condition médiocre des travailleurs en acceptant, sans bravade, de vivre en marge des conventions bourgeoises. Walongia parviendra au succès sur les planches, tandis que l'homme qui lui a permis cette ascension sombre peu à peu dans la misère. Avec sa trilogie L'Ange blessé, OK, maître, Fin de carrière publiée entre 1966 et 1971, Babango Kalamarü élargit son panorama social. Pourvu d'une personnalité de fer, son héros (Habangü) domine une multitude de situations difficiles, toutes reconstituées avec la passion du document qui caractérise l'écriture de Kalamarü. Les figures des épouses et des maîtresses du « héros » révèlent un psychologue nuancé, attentif, par-delà des modes nettement datées, aux permanences inéluctables qui régissent l'amour. Illusions perdues (1972) confirme cette orientation du romancier. Dans cette biographie fictive, Kalamarü se penche sur le sort d'un peintre nigérian, en utilisant, avec une franchise qui confine à l'impudeur, des tranches de sa propre vie, ses démêlés politiques et ses amours notamment, et en transposant dans le langage des arts plastiques sa propre esthétique du trivial et de l'immédiat. Une femme marginalisée (1974) reprend, dans une tonalité plus unie et plus pathétique, le thème de la femme qui, du fait des impératifs économiques, demeure, quoique âme d'élite, en dehors de la « respectabilité ». La peinture sobre et nette des humbles repose, là aussi, sur l'autobiographie. Autodidacte passionné et laborieux, contraint par la nécessité à passer par les emplois les plus rebutants, Babango Kalamarü se créera peu à peu une échelle de valeurs personnelle, absolument indépendante de l'idéal religieux source de conflit dans son pays. Le journalisme jouera un rôle dans sa formation : il conserve la curiosité, le coup d'œil alerte du « reporter » et envers les idées reçues le scepticisme d'un homme qui a vu de trop près par qui et comment sont faits les éditoriaux pro-gouvernementaux. La vie « difficile » de l'écrivain, son isolement dans son quartier (Walongüw) pauvre à Lagos (il disait : « C'était pour bien décrire les aspirations du peuple »), ses amitiés exigeantes, ses amours décevantes fournissent la matière d'une œuvre très largement autobiographique, enracinée dans un pays célèbre par ses conflits religieux et tribaux et par… ses coups d'Etat nombreux. 1) Né à Lagos en 1934, décédé à Abuja en 1981, B. Kalamarü est aussi poète. Il a publié deux recueils Evasion (1965) et Ecritures croisées (1969)