L'entreprise détient 56 milliards de dinars de créances auprès de l'Etat. Le prix administré du mètre carré est l'un des facteurs à l'origine de la situation déficitaire de l'ERCA-BATOS. Ils étaient nombreux hier, parmi les 1300 salariés de l'ERCA-BATOS (bâtiment et ouvrages spécialisés), à répondre à l'appel du syndicat de l'entreprise pour la tenue d'une assemblée générale des travailleurs au siège de la société à Oued Semar, à Alger. A l'ordre du jour : s'opposer à la décision prise par la SGP de tutelle, INDJAB, « mettant l'ERCA-BATOS sur la liste des entreprises à dissoudre ». Une décision tombée tel un couperet. La colère, l'indignation et le sentiment d'être trahi se lisaient sur tous les visages ridés et fatigués des travailleurs de l'ERCA-BATOS. A la lecture des rapports et bilans financiers détaillés que le syndicat de l'entreprise a pris le soin de préparer pour la circonstance, et dont nous avons eu des copies, il ressort que la dissolution « programmée » de cette entreprise n'est pas dictée par des impératifs économiques. Cette société, dont il y a lieu de souligner l'importance de sa superficie foncière, de son patrimoine immobilier et de ses équipements, aurait pu être, concèdent les travailleurs, proposée à la privatisation. Issue de la restructuration du groupe ERCA, la filiale ERCA-BATOS s'est vu confier la mission de développer l'activité des gros œuvres, alors qu'elle était, soulignent certains de ses cadres, « dépossédée dès sa création des équipements et des moyens nécessaires à sa mission, à l'instar notamment des unités de fabrication du béton et dérivés ». Malgré ce handicap, ERCA-BATOS compte actuellement à son actif des centaines d'ouvrages et des milliers de logements. Les travailleurs évoquent fièrement la réalisation par leur entreprise des tours, des halls et de Bir Mourad Raïs ainsi que le siège du ministère des Finances à Ben Aknoun (le bâti sans la finition). Boualem Sahraoui, représentant syndical de la société, considère que la santé financière de l'entreprise qui l'emploie ne justifie pas sa dissolution. « Les chiffres parlent d'eux-mêmes de la situation de notre entreprise. Il est certain qu'elle accuse un déficit de 38 milliards de dinars, mais elle a également des créances qui s'élèvent à pas moins de 56 milliards de dinars », a-t-il plaidé. Et d'ajouter : « Ce sont des créances que la société détient auprès des institutions publiques dont fait partie le ministère de l'Intérieur, la Protection civile et d'autres organismes étatiques. » Dépité, il lâchera : « Comment veut-on travailler s'ils ne nous payent pas ? » Se mettant ensuite à expliquer les raisons du déficit accusé par son entreprise, le syndicaliste met en avant plusieurs arguments. Le premier et le plus important, souligne-t-il, c'est la faiblesse du coût du mettre carré qui, selon lui, est de l'ordre de « 14 000 DA administré par l'Etat, ferme et non révisable, au lieu de 21 000 DA ». Une lettre a été envoyée le 15 août dernier par l'entreprise au ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme lui demandant une réévaluation des prix du mètre carré concernant le reste à réaliser des marchés du programme de 1550 logements sociaux financés par le FADES. La décision des gestionnaires de l'ERCA d'émarger à ce programme a occasionné, pouvons-nous lire dans cette lettre, à l'entreprise des pertes sèches dépassant 272 millions de dinars. « Pourquoi nous impose-t-on un prix à 14 000 DA le m2 contre 21 000 DA pour les constructeurs chinois et égyptiens ? », tempête M. Sahraoui. « L'aberration de nombreux actes de gestion des principaux responsables qui se sont succédé ces dernières années à la tête d'ERCA-BATOS » est un autre facteur qui, note le syndicaliste, « a mis à genoux, en un temps record, l'entreprise alors qu'elle possède un potentiel humain hautement qualifié ». Parmi les actes de gestion que les travailleurs estiment injustifiés, le recours aux services d'une société de gardiennage en l'an 2000. « Cette société perçoit mensuellement 120 millions de centimes pour assurer le gardiennage de l'entreprise », affirment unanimement certains cadres de l'ERCA-BATOS, avant de poursuivre sur un ton d'indignation mêlé d'ironie : « On aurait aimé voir cette société pendant les années noires du terrorisme. » Les travailleurs de l'ERCA-BATOS ne cachent par leur sentiment d'être « trahis », eux qui se rappellent avoir « voté pour le programme du président de la République » dans le but de se voir associé à la réalisation de un million de logements contenue dans son programme électoral.