A l'issue d'une journée d'études consacrée à la relation entre le député et le citoyen, organisée dimanche dernier à l'hôtel El Aurassi, les participants ont souligné à l'unanimité la nécessité de généraliser la mise en place de Bureaux de permanence parlementaires (BPP). L'initiative est louable mais le débat sur le rôle du député est plus profond. A quoi servirait une permanence parlementaire quand le membre de l'APN est dépouillé de ses moindres prérogatives ? Qu'on en juge. Le Parlement algérien n'est pas l'institution où se joue l'essentiel de la vie politique nationale. Il est devenu, par la force des manœuvres partisanes et des alliances contre nature, un appendice du gouvernement et de la Présidence. A l'évidence aveuglés par l'ambition, les élus du peuple se sont transformés en laudateurs qui passent leur temps à encenser le chef du gouvernement et à remercier le président de la République. Les coups d'encensoir l'ont emporté, en effet, sur le débat d'idées au cours des dernières plénières. Les observateurs ont qualifié l'APN, à juste raison, de chambre d'enregistrement, complètement dévouée aux orientations et aux choix politiques du chef de l'Etat et de son staff gouvernemental. Pourtant, la Constitution confère aux parlementaires des pouvoirs étendus en matière de contrôle de la gestion des affaires du pays. Cette prérogative s'exerce sous diverses formes : interpellation des membres de l'Exécutif, questions orales, mise en place de commissions d'enquête parlementaires... Rien de tout cela. Plus d'initiatives, plus d'enquêtes et des propositions allant dans le sens du contrôle de l'action du gouvernement se font de plus en plus rares. Pour tout dire, cette institution s'est transformée en véritable caisse de résonance et ne reflète aucunement les préoccupations réelles de la population. Comment en est-on arrivé là ? La présence de plusieurs partis dans les travées de l'hémicycle Zighoud Youcef ne semble d'aucun apport pour le débat contradictoire. Le principe même du pluralisme est faussé par une majorité parlementaire détenue par trois partis, lesquels ont décidé de faire cause commune pour appuyer le programme de Bouteflika. Il s'agit du RND, du FLN et du MSP. Si elle ne s'est pas complètement jointe aux thèses de la majorité, la voix des autres formations, siégeant au Parlement, est neutralisée. Les velléités d'opposition sont étouffées par le « cartel présidentiel » bien structuré. Le Parlement se trouve en outre handicapé par l'absence d'une réelle représentation de la Kabylie. Pour rappel, le rendez-vous législatif du 30 mai 2002 a été marqué par le boycott auquel avaient appelé le mouvement citoyen et les deux principaux partis implantés en Kabylie, le FFS et le RCD. De ce fait, les députés issus de ce scrutin étaient contestés par la population locale. L'autre raison qui a fait que l'APN est sans efficacité est la prédominance de l'Exécutif sur le législatif. La Constitution de 1996 donne effectivement au chef de l'Etat latitude de légiférer par ordonnance en cas de vacance de l'APN ou en période d'intersession du Parlement, mais d'aucuns reprochent au président de la République d'avoir abusé de cette attribution constitutionnelle. Il est tout aussi vrai que la loi fondamentale, votée au temps du président Liamine Zeroual, accorde au chef de l'Etat des pouvoirs qualifiés d'exorbitants par nombre d'observateurs, mais le rôle des députés n'est-il pas justement d'interpeller le chef de l'Etat ou tout au moins le Conseil constitutionnel sur les véritables missions de la seule institution habilitée à contrôler l'action de l'Exécutif et à élaborer des lois ? En ce sens, il faut relever que la quasi-totalité des projets de lois débattus en plénière est l'œuvre de l'Exécutif. L'on s'interroge alors sur l'utilité d'un Parlement qui ne peut pas critiquer le programme du gouvernement qui est en soi la moindre de ses attributions.