Le spectacle était honteux et désolant. Au moment où le premier magistrat du pays loue les acquis méritoires réalisés par la femme algérienne, des policiers, surexcités et chargés, ont brutalisé, insulté et tabassé des enseignantes venues tout simplement exposer leurs revendications au chef de l'Etat. Le plus décevant dans cette affaire est que cette scène s'est déroulée à proximité du siège de la présidence de la République. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un sit-in des enseignants contractuels se transforme en affrontements. C'est vers 9h que les policiers ont pris d'assaut toute l'avenue menant vers le siège de la Présidence. Toutes les ruelles donnant accès au grand bâtiment étaient quadrillées par un dispositif de sécurité des plus importants. Cet arsenal, préparé soigneusement tôt dans la matinée, n'était pas destiné à faire barrage aux terroristes, mais à empêcher des enseignants de se rendre au siège de la Présidence pour déposer une lettre revendicative. « Nous ne sommes pas des criminels ni des terroristes ni des voleurs pour que l'on nous traite de la sorte. Nous revendiquons nos droits et nous demandons à cet effet notre confirmation dans notre poste de travail. Est-ce un crime ? », a tonné une enseignante. Ils étaient plus d'une cinquantaine d'enseignants contractuels à manifester hier dans la rue. Ils sont venus des quatre coins du pays (Tizi Ouzou, Bouira, Mostaganem, Blida, Tipaza, Annaba, Béjaïa) pour crier leur ras-le bol d'une situation qui ne fait que perdurer. « Nous voulons du travail », s'est exclamé une autre enseignante qui a été immédiatement rappelée à l'ordre par les policiers. Face à la détermination des enseignants, les policiers donnent l'ordre de quitter les lieux. « Personne ne peut vous recevoir au niveau de la Présidence. Quittez cet endroit et remontez dans vos bus. Je ne veux plus de rassemblement », lance un policier à une enseignante. Les contestataires ont brandi alors des pancartes et commencé à scander des slogans hostile au pouvoir : « Non à la hogra, nous voulons juste notre réintégration », « La titularisation des contractuels est un droit constitutionnel », « Sauver la vie des grévistes ». La colère est montée ainsi d'un cran. Les policiers ont malmené deux enseignantes avant de les embarquer de force dans leur voiture à destination du commissariat le plus proche. N'ayant pas compris la stratégie du gouvernement ni le comportement du ministère de tutelle face à la problématique des enseignants contractuels, « peut-on à ce point tourner le dos à un problème qui risque de prendre une tournure grave ? Comment peut-on faire semblant d'ignorer une telle situation ? », s'est interrogé cet enseignant en ajoutant : « Qu'attend le gouvernement pour prendre enfin une décision politique puisque le ministre du secteur essaye de s'en laver les mains ? » Les enseignants contractuels sont déterminés à aller jusqu'au bout. Ils vont encore manifester dans la rue. Ils vont encore recourir à la grève de la faim. Une fois de plus, ils vont prendre à témoin l'opinion publique. Les enseignants interpellés ont été relâchés dans l'après-midi. Rappelons que les grévistes revendiquent l'intégration des contractuels dans leur fonction, la réintégration des enseignants exclus, la régularisation des enseignants après une année d'exercice. Ils demandent tout particulièrement la clarification de leur situation, eux qui sont mal payés, mal classés et sujets à la suspension à tout moment. Tout en regrettant l'absence d'une loi qui les protège de ce genre de problèmes, les contractuels sont déterminés à ne pas baisser les bras et à arracher leur droit. En outre, ils rejettent en bloc les concours organisés par le ministère de l'Education nationale pour régulariser la situation des contractuels. « Ces concours sont un leurre, ils ne sont pas crédibles, d'autant plus que l'expérience acquise est totalement négligée et ce, au moment où l'élève devient avec le temps enseignant titularisé, alors que son professeur reste au fil des années un contractuel »,déplore un manifestant.