La pièce théâtrale Audiberti & fils a été jouée, lundi, à la salle de spectacles du CCF Alger. Le metteur en scène, François Bourgeat, s'efforce de revenir à travers ce travail sur la « filiation spirituelle » entre le poète et un metteur en scène et sur ce lien qui unit Marcel Maréchal et son fils Mathias Maréchal, les deux protagonistes de la pièce. « Il n'est pas facile d'être un fils », lance le fils à un père qui se soucie toujours de la vie que mène son rejeton qui semble « vouloir son jeu ». Conflictuels, ces rapports deviennent exécrables par moments, tout en laissant apparaître pourtant des moments de lucidité. La relation du père et du fils volage, ne pouvant se tenir en place, devient plus paisible. Les congratulations, il y en a d'ailleurs entre ce fils et le père dont l'image se confond par moments avec celle, démiurge, de Dieu. Audiberti, le grand homme de théâtre français, dira toujours à propos de la figure de Dieu des mots bien sentis. Sur la question de savoir quel est le personnage historique qu'il préfère le plus, la réponse de l'homme de Le Mal court fuse sans confusion : « Dieu ». Audiberti ascète ? Peut-être ; la transcendance a toujours de la place dans son œuvre, fragmentée, à dessein et reprise par un metteur en scène qui verra jouer sur la scène du CCF celui qui se veut aussi l'ami et le fidèle de l'auteur originaire d'Antibes, « né à l'extrême rebord du XIXe siècle » et mort en 1965. Les textes de la pièce jouée encore, hier au CCF, sont de Audiberti et l'adaptation théâtrale de François Bourgeat, lequel a des rapports affectifs avec l'Algérie où il s'est installé 6 ans durant. La Nuit Algérie, un roman publié en 2003, raconte le destin de tous ceux qui sont « mis en contact » avec l'Algérie. Le héros du livre, qui a servi sous les drapeaux pendant la guerre « se mettra au service », à peine celle-ci finie, de l'Algérie nouvelle. La filiation du metteur en scène et des acteurs avec l'homme de théâtre est évidente. Laissant quelque peu abasourdi, tellement les mots se répètent, s'entrechoquent, la pièce laisse voir une époque révolue et des expressions devenues désuètes. Mais ce fut un vrai régal. « Le langage est depuis belle lurette « abhumaniste ». Il éclate, il pourrit, il fourmille, désintégré, réchauffé, il trou-billonne, cervelle et écriture, il argonautise dans les faubourgs, il coqueluche dans les salons, il déboise dans les tables tournantes, gueule dans les affiches déchirées, le chant des ivrognes, les jeux des enfants, le cri des journaux. » A travers ces mots de Audiberti, s'achève une pièce fantaisiste créée de toutes pièces. Ils expliquent toute l'œuvre de l'auteur et le rapport à la langue qu'il entretient. Un rapport jamais apaisé.