L'élection de Barack Obama, représentant d'une minorité, via un processus démocratique exemplaire, est une véritable claque pour tous les régimes autoritaires… Je dirais que toute élection démocratique, quelle qu'elle soit, est une claque pour tous les régimes autoritaires. Celle d'Obama est certainement très importante, car symbolique, mais il faut faire attention. Le président des Etats-Unis n'est pas le président du monde. Il ne faut pas non plus se bercer d'illusions : dans deux ans, il y aura des élections de mi-mandat et si Obama déçoit, il risque de perdre sa majorité au Congrès. Quelle réflexion pourraient en tirer les pays du Maghreb ? Je crois qu'il ne faut pas nécessairement se comparer aux Etats-Unis. Les régimes maghrébins devraient plus chercher à faire des parallèles sur le même continent, avec par exemple le Mali, le Sénégal ou le Burkina-Faso, qui arrivent à fonctionner de manière plus ou moins démocratique en respectant les minorités ethniques et politiques. Vous dites cela pour l'Algérie ? C'est vrai qu'en 50 ans, en Algérie, on aurait pu faire des progrès et ce qui se passe actuellement avec la révision de la Constitution n'est pas bon signe. On a l'impression d'avoir un système politique complètement sclérosé, fermé sur lui-même, face à une société qui avance et évolue plus vite que son personnel politique. Mais de là à se comparer aux Etats-Unis… Quels sont les blocages qui empêchent d'aller vers plus de démocratie ? C'est à chaque Algérien de faire aussi un travail sur lui-même, car on est le fruit de notre société. Les Algériens acceptent-ils la pluralité au sein même de leur famille ? Je ne crois pas que ce soit le cas. Il n'y a pas de secret : il n'y a pas plus de démocratie au sein de la famille que dans le pays. On a les dirigeants qu'on mérite. Posons-nous la question : pourquoi est-ce que ça fonctionne chez les autres et pas chez nous ? Le FLN a transposé dans la société un mode de fonctionnement monolithique et il est aujourd'hui très difficile pour cette société de fonctionner différemment. Seulement, on ne peut pas tout mettre sur le dos du parti unique, car il y a, dans la société, des complicités actives ou passives. Recherchons dans notre histoire ce qui a provoqué une fracture irréversible. les élites remplissent-elles pleinement leur rôle ? Une partie d'entre elles ne s'est-elle pas laissée entraîner vers l'argent facile, par exemple ? Pas d'espoir dans le politique ni dans la société civile... Le tableau est dur. Mais il n'y a pas de fatalité, il faut juste du temps. Les Algériens sont pressés, mais l'Algérie indépendante a à peine 50 ans. A l'échelle de l'histoire, ce n'est rien du tout. Surtout que dans la même période, le pays a connu trois révolutions : l'indépendance, l'émergence de l'Islam et la mondialisation. Ce qui a laissé très peu d'espaces pour résister collectivement. La démocratie a besoin de temps pour se mettre en place et la société civile pour devenir réellement régulatrice.