Elu en décembre 2004 pour un second mandat de 5 ans, Mamadou Tandja, un ancien militaire, a plusieurs fois répété qu'il se retirerait ensuite. Mais à la surprise générale, des manifestations ont lieu depuis deux semaines dans le pays, avec visiblement l'aval des autorités, pour lui demander de modifier la constitution afin de rester au pouvoir. Les « comités de soutien » qui encadrent ces manifestations assurent qu'il doit rester aux affaires pour « parachever de grands chantiers », notamment la construction d'un barrage, d'un second pont sur le fleuve Niger, d'une raffinerie ou l'exploitation de gisements de pétrole. La première manifestation a eu lieu le 27 octobre dernier à Zinder, deuxième ville du pays, où des milliers de personnes ont défilé en brandissant des portraits géants et arborant des tee-shirts à l'effigie de M. Tandja. Dans toutes les manifestations, largement couvertes par la radio et la télévision d'Etat, la foule criait : « Baba Tandja +tazartché !+ » (Papa Tandja, enchaînez un troisième mandat !). « C'est clair, on prépare les esprits à une révision de la constitution », affirme Moussa Biga, un professeur de lycée. L'ampleur de ces mouvements de soutien, aux odeurs de pré-campagne électorale a, du coup, poussé l'opposition et la société civile à lancer des avertissements contre une révision constitutionnelle. A Niamey, le principal parti d'opposition, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) a appelé ses militants « à se mobiliser pour barrer la route aux fossoyeurs de la démocratie ». Le PNDS promet de « s'opposer à toute tentative de violation de la constitution qui précipitera le pays dans l'instabilité chronique » et « conduira le président de la République à se parjurer ». L'article 118 de la constitution stipule que le président peut être accusé de « haute trahison » en cas de « violation de son serment ». Lors de sa prise de fonction, M. Tandja avait dû prêter serment sur le coran pour « respecter et faire respecter » la loi fondamentale. Qui plus est, la constitution précise expressément que l'article 36 qui limite le mandat présidentiel à deux quinquennats consécutifs, et l'article 141 qui accorde l'amnistie aux auteurs du coup d'Etat de 1999 ayant coûté la vie au président Ibrahim Baré Maïnassara, « ne peuvent faire l'objet d'aucune révision ». « Vouloir briguer un troisième mandat n'augure donc rien de bon et M.Tandja doit se retirer en toute dignité », avertit M. Doudou, un député de la Convention démocratique et sociale (CDS), le parti du président du parlement Mahamane Ousmane, principal allié du régime. « Les magouilles et les triturations des textes ne passeront pas », affirme Nouhou Arzika, une grande figure de la société civile. Morou Amadou, un autre responsable de la société civile met en garde contre « des risques évidents de troubles pour le pays déjà mal en point ». Le président Tandja reste pour sa part silencieux mais, relève le journal Le Républicain, « à aucun moment (il) n'a rabroué les instigateurs des manifestations ». Le Républicain souligne également que « des officiels » ont également demandé au président de briguer un troisième mandat. La polémique enfle alors que le parti au pouvoir, le MNSD, se déchire depuis l'incarcération en juin dernier, de son toujours président, l'ancien premier ministre Hama Amadou. Accusé de détournements, il a longtemps été présenté comme le probable successeur de Tandja et accuse ce dernier de vouloir l'écarter coûte que coûte de la course à la présidence.