Quarante ans de lutte pour les droits civiques et contre les discriminations raciales ont été couronnées par une belle leçon de démocratie : les Américains offrent la Maison-Blanche à un Afro-Américain. En France, deux siècles après la Révolution, les centres de pouvoir (politique, économique et financier) restent monochromes. « La grande leçon de cette élection, c'est que quarante ans de lutte contre les discriminations aux Etats-Unis valent mieux que cent- soixante ans de lutte contre le racisme en France », estime le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), Patrick Lozès. L'exemple d'Obama va-t-il peser pour une juste représentation des minorités dans les institutions françaises quand on sait qu'à l'Assemblée nationale, par exemple, la députée socialiste George Pau-Langevin est la seule parlementaire de métropole issue de la diversité ? La question de l'intégration va-t-elle être rouverte ? L'espoir est-il permis ? Le « Yes we can » (oui, nous pouvons) américain est-il envisageable en France ? Cette élection a été intensément suivie dans les banlieues qui se sont appropriées le symbole Obama. Le succès d'Obama devrait inspirer « les responsables politiques d'autres pays - dont le nôtre - quant à la possibilité de concilier l'honnêteté du discours politique et la capacité à soulever des espoirs fondés sur le vivre-ensemble », note, pour sa part, Dominique Sopo, président de SOS Racisme. Mais nombreux sont ceux qui doutent de la capacité de la classe politique française à emboîter le pas aux Américains. Si l'élection d'un métis à la tête de la première puissance mondiale « peut faire bouger les autres pays, c'est très bien ; mais j'ai du mal à croire que les mentalités changent aussi vite en France : les politiques ne jouent pas le jeu », déplore Mohamed Mechmache (collectif AClefeu). Leïla Bouachera, ex-candidate à la présidentielle de 2007, juge « tout simplement impossible » un tel évènement en France, « terre historique des droits de l'homme » où les candidats de la diversité avaient été « réduits au silence ». Mais, portée par la victoire d'Obama, elle se sent « forte pour recommencer en 2012 ». Seule Noire du gouvernement, la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade, estime que cette élection doit « sonner la mobilisation » pour plus de diversité en politique « avec des résultats concrets ». « Nous aimerions pouvoir aujourd'hui être aussi fiers de notre pays que les Américains qui donnent une belle leçon à ceux qui sont ici, aujourd'hui encore si frileux et aveugles ». « Cette élection doit interpeller notre classe politique et doit être un point d'appui pour que notre pays se regarde tel qu'il est dans sa diversité », estime, dans un communiqué, le président du collectif l'Egalité d'abord, Mouloud Aounit. « Comment ne pas voir dans le succès de Barack Obama un événement symbolique, une élection historique sur laquelle feraient bien de méditer les appareils politiques de la planète, en premier lieu en France ? », souligne Fadela Mehal, présidente de l'association Les Marianne de la diversité. « Dans l'Hexagone, comme les Marianne de la diversité l'ont souvent dénoncée, la représentation politique des Français de la diversité demeure sous le seuil de tolérance. »… « C'est une vérité indépassable, lors des scrutins législatifs, quand les grands partis politiques investissent des candidats qui ne sont pas ‘'de souche'', c'est trop souvent dans des circonscriptions difficiles, voire ingagnables ». « Les résultats de la politique de parité « offensive » sont édifiants, la France occupe la peu glorieuse 56e place du rang mondial. Depuis Napoléon, dans les partis, rien n'a beaucoup changé, c'est toujours ‘'les femmes au lavoir et les hommes au perchoir'' », ajoute Fadela Mehal. La présidente des Marianne de la diversité rappelle que « malgré les ségrégations à l'emploi, au logement, les contrôles policiers abusifs, les lignes bougent même si certains dirigeants des grands partis continuent de penser la France sans sa diversité. L'exemple vient du secteur économique, 2000 grandes entreprises ont signé la charte de la diversité et recrutent des surdiplômés venus des cités ». La sous-représentation de la diversité est criante dans les institutions politiques françaises. Pourquoi ce blocage ? D'où vient-il ? De la société elle-même ? Pourtant, 82 % des Français sont prêts à élire un président noir et 58% pour un candidat maghrébin, selon un récent sondage. Des partis politiques ? Il suffit de compter les responsables issus de la diversité dans les états-majors et fédérations de droite comme de gauche pour se rendre compte que le retard est très important. A quand une représentation plus conséquentes sur les scrutins de liste ?