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Saxophones sur Seine…
Paris et le jazz américain, un siècle d'amour
Publié dans La Tribune le 10 - 01 - 2009

De notre envoyé spécial à Paris
Noureddine Khelassi
Entre Paris et les jazzmen afro-américains, pionniers ou nouveaux venus, c'est une histoire d'amour qui dure depuis déjà un siècle. Un amour au double sens de l'attachement à la ville des lumières et à des amours durables nés sur les bords de la Seine. De Sidney Bechet à Duke Ellington, en passant par l'Art Ensemble of Chicago, ils sont nombreux à avoir trouvé refuge et affection dans la capitale française. Pour diverses raisons. Les uns fuirent, dans les années cinquante, la ségrégation raciale. Les autres, au cours des décennies 1960-1970, cherchèrent à échapper à la guerre du Vietnam. A fuir en même temps le climat de tension raciale que provoqua l'assassinat de Martin Luther King puis la fin du mouvement militant des Black Panthers. Pour certains, c'est pour quitter une Amérique devenue «invivable» après la victoire de George Bush senior en 1989. Et, pour beaucoup, l'exil eut surtout des raisons sentimentales. Tenants d'un jazz classique comme Hal Singer ou représentants du free jazz le plus téméraire, tel Archie Shepp, la plupart d'entre eux ont laissé leurs cœurs parler et fait des enfants.
D'abord Archie Shepp. Officiellement résidant dans le Massachusetts où il fut enseignant, sa vie française est une navette : quarante ans d'allers et retours entre les Etats-Unis et la France. Surtout, quarante ans d'amour avec une Française qui partage son appartement de transit permanent et de transhumance artistique dans le 13ème arrondissement. Près de quarante ans après avoir joué au merveilleux Festival panafricain d'Alger, ce marxiste engagé dans toutes les luttes pour les droits civiques aux Etats-Unis conteste toujours la validité du mot «jazz», à ses yeux, assez connoté postcolonial. «L'ironie du sort veut que ce soit en Europe que j'aie pu exprimer et exposer ma musique… Essentiellement devant un public blanc. Ça me rend triste parfois», affirme ce fringant septuagénaire qui se définit lui-même comme «marxiste, humaniste plutôt».
Love story franco-américaine
Autre love story franco-américaine, celle d'Hall Singer. Ce saxophoniste, élevé au biberon du swing, était en tournée en France et devait rentrer aux Etats-Unis, lorsqu'il eut un soudain béguin pour une «petite» venue l'écouter, religieusement, dans un club parisien. Leur histoire d'amour dure depuis 1965, matérialisée par la naissance de deux filles et d'une ribambelle de petits-enfants. Wayne Dockery, solide contrebassiste qui cachetonne encore depuis ses débuts en 1990 (75 euros par soirée), a écouté, lui aussi, la voix du cœur. Ce musicien qui habite à Montrouge dans les Hauts-de-Seine, vit avec une Normande, épousée en 2005. David Murray, saxophoniste comme Hall Singer, mais sur un registre nettement free, se laissera séduire lui aussi. Il ne voulait pas vivre en France mais sa compagne déjà enceinte en a décidé autrement. Du coup, entre une tournée et un nouveau projet musical avec des musiciens français, il mène aujourd'hui une vie de père peinard dans le 20ème arrondissement parisien, entouré de deux enfants métis.
Kirk Lightsey, lui, aura pris le temps de la réflexion avant de poser ses valises place de la Nation. Chez lui, ce ne sont pas les voies insondables de l'amour qui l'auront décidé à «épouser» Paris mais plutôt celles du racisme dans son propre pays. Déjà grand-père aux Etats-Unis, il y a vu grandir sa fille. Après des décennies à accompagner les stars du jazz, ce pianiste de Detroit s'est finalement résolu à quitter les Etats-Unis «à la suite du traitement médiatique de l'affaire Rodney King [un Afro-Américain tabassé sans raison par des policiers à Los Angeles en 1991]. C'était assez !» Deux années avant, Eddie Allen, 52 ans, qui enseigne aux enfants du quartier cosmopolite de Ménilmontant dans le 20ème la batterie jazz et les rythmiques africaines, en fera tout autant. Lorsque George Bush père est élu, ce percussionniste «saute sur la première occasion pour s'enfuir». Après une tournée avec le MBoum du batteur Max Roach, cet artiste aux allures de musicien rasta, s'est fondu dans la vie parisienne. Venu du South Side de Chicago, il s'est installé en famille vers la place des Fêtes, après avoir appris le français «avec un dictionnaire» et en lisant des romans auxquels «il ne comprenait rien». Saxophoniste, Steve Potts a, quant à lui, quitté son pays pour des raisons politiques : «Nixon, le Vietnam…» Il est arrivé en France en 1970. Depuis, il a tout connu, de la vie dans la rue jusqu'à son appartement actuel avec terrasse du côté du métro Crimée dans le 19ème arrondissement. Non loin, sur les hauteurs champêtres de Montmartre, Sulaiman Hakim, autre saxophoniste, vit dans un petit studio. Ce musicien de Los Angeles a débarqué en 1977 à Paris, poussé par la curiosité mais mu aussi par le fort désir de «fuir le stress de New York».
Il en fut ainsi du batteur John Betsch, petit-fils d'Abraham Lincoln Lewis, un millionnaire afro-américain qui créa des plages pour les Noirs en Floride au plus fort de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Il s'installe à Paris après avoir divorcé d'avec sa femme américaine et un abandon de la vie trépidante dans la jungle urbaine new-yorkaise. «Mon mariage partait en vrille, et la vie à New York speedait trop. J'en étais réduit à être chauffeur de taxi pour arrondir les fins de mois…» déclare cet artiste bohême qui entasse instruments, meubles et souvenirs dans son studio du 12ème.
Misères du jazz
Le jazz à Paris, c'est sans doute une belle histoire d'amour et des saxophones sur scènes et Seine. Voilà pour la carte postale. Mais tous les musiciens interrogés au cours des vingt dernières années disent que ce n'est pas toujours les châteaux en Espagne. Si vivre à Paris leur a toutefois permis d'explorer de nouveaux territoires musicaux, d'y développer amitiés et projets au long cours avec des musiciens de jazz français, la plupart d'entre eux ont constaté, en revanche, une nette dégradation de leur statut et de leur pouvoir d'achat. Et c'est Steve Potts, lequel a connu les généreuses années de l'American Center du boulevard Raspail, qui le résume le mieux : «Au milieu des années 1970, il y avait une scène très dense, peut-être plus qu'à New York, avec des types de tous les âges, qui venaient de partout et touchaient à toutes les esthétiques. Mes oreilles se sont ouvertes. A l'époque, tu pouvais travailler avec les Français. Mais avec l'accroissement du nombre des musiciens, une certaine xénophobie s'est peu à peu immiscée dans les règles du jeu. Aujourd'hui, c'est plus dur…» Etre un Noir américain qui joue du jazz n'est plus «un avantage», confirme Wayne Dockery, l'un des contrebassistes de La Villa, l'enseigne prestigieuse du quartier de Saint-Germain où, dans les années 1990, le jazz pur, made in USA, vécut ses heures de gloire. Finalement, avec des cachets misérables de 75 euros, il s'est résolu à regarder si sa musique n'était pas plus audible et mieux rémunérée ailleurs. Alors, comme tous les autres, il tourne en Europe, en Pologne, par exemple, avec Kirk Lightsey et John Betsch. Il se souvient que Steve Lacy, figure légendaire du jazz américain à Paris, lui avait expliqué qu'avec deux aéroports et cinq gares, Paris était le lieu le mieux indiqué pour «rayonner sur l'Europe».
Si, à l'évidence, la vie à Paris de ces artistes émérites n'est pas toujours une Seine tranquille, tous ne regrettent pas pour autant de s'y être installés. Ils y ont trouvé comptant d'amour et source d'accomplissement musical. Sulaiman Hakim, par exemple, ne regrette rien : «Je n'aurais pas réalisé la moitié de ce que j'ai pu faire. J'ai découvert les musiques du monde entier.» Depuis son installation, il a voyagé en Afrique, aux Antilles, joué avec les Sénégalais Baba Maal et Ismaël Lo. Pour sa part, Eddie Allen a compris la musique mandingue et saisi la différence entre la batterie jazz et la rythmique africaine. Ce qu'il enseigne d'ailleurs aux petits musiciens en herbe au Centre des Amandiers à Ménilmontant, sa principale source de revenus.
David Murray, lui, reconnaît que la vie parisienne l'a changé «humainement et musicalement», alors qu'Hal Singer, premier d'entre ses pairs parisiens, convie souvent la petite communauté de jazzmen afro-américains à des séances de nostalgie autour d'un barbecue maison. Vénérable patriarche, ce nonagénaire, qui a encore la santé de ses artères et la vigueur de ses cordes vocales, refait souvent avec eux l'histoire du jazz américain à Paris. L'occasion aussi de se souvenir de ses propres débuts en 1938 dans les big bands, avant de se produire dans tous les clubs de la Belle Epoque.
De jouer donc dans des lieux aux noms magiques : Le chat qui pêche, l'Eustache, le Lady Bird, le Caveau de la Huchette, le Riverbop, le Club Saint-germain.


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