En ce début d'année 2005, le débat risque de s'animer de nouveau autour de la cession, au profit du groupe indien de sidérurgie Ispat, des 30% des actifs de l'entreprise algérienne Sider. Le même groupe tentera de mettre également sur la table les dossiers des groupes Entpl, Anabib, Emballage (Transolb) et de l'unité Alfatus (Sider). Sur ce dernier chapitre, Ispat a plusieurs sérieux concurrents, dont des Français, les Allemands de Bender et les Anglais de Primary. Par ces acquisitions, les Indiens veulent concrétiser leurs ambitions d'être les seuls maîtres de la sidérurgie en Algérie. Ces ambitions ont été exprimées quelques mois à peine après la signature du protocole d'accord le 18 octobre 2001. Avec les 70% des actifs dans l'escarcelle, cet accord offrait, au groupe indien Ispat International, le titre d'actionnaire majoritaire de la société algéro-indienne Ispat El Hadjar. Seules les unités du groupe Transolb et Alfatus manquaient à leur bonheur. C'est pourquoi les informations qui ont circulé récemment sur l'aboutissement de négociations portant sur leur cession au groupe indien avaient été prises très au sérieux. Ces informations étaient consolidées par l'activisme qui a gagné le secrétariat général de la plateforme syndicale et du conseil syndical Ispat. En effet, ces trois derniers mois, les membres de ce conseil ont multiplié les opérations de sondage auprès de leurs cellules des unités de production. Ils avaient pour mission de tâter l'état d'esprit de la base, et mettre au point, avec les travailleurs les plus sûrs, les méthodes d'organisation et de riposte en cas de coup dur. L'amélioration des conditions de travail, les révisions à la hausse des salaires et des indemnités de poste, le lancement prochain de la réalisation d'une conduite de 50 km pour l'alimentation d'eau potable du complexe à partir de la commune de Sidi Amar sont les arguments avancés. Ils sont autant d'atouts entre les mains du syndicat qui compte les utiliser pour amener les travailleurs à soutenir la cession de ce qui reste comme actifs entre les mains de Sider. Des directives du secrétariat général du conseil syndical ont été émises pour la réactivation des cellules syndicales quelque peu sclérosées. Cette mobilisation des cellules est menée de manière très précise. C'est comme s'il s'agissait pour les syndicalistes d'appliquer un plan d'urgence. Dans cette mobilisation, l'on parle de mise en place d'un dispositif protégé par la plus grande confidentialité à l'intérieur même du conseil syndical. La perspective d'un refus du gouvernement algérien à la demande du groupe indien de disposer d'unités du groupe Transolb et l'unité Sider en serait l'origine. D'autant que des instructions auraient été données aux syndicalistes de ces structures de production de s'intéresser au tableau de bord de leurs entreprises respectives : situation financière, subventions, activités, résultats, frais de personnel, emplois et salaires, évolution du carnet de commandes, composantes des prix de revient et des marges. Les syndicalistes imputent la radicalisation de leur position aux différentes et nombreuses expériences malheureuses vécues par les travailleurs sous la gestion de Sider. Ils argumentent également la conséquence d'événements extérieurs à notre pays. La récente fusion de LNM Holdings et Ispat International qui donne naissance à « Mittal Steel Company » avec sa filiale de Annaba Mittal Steel El Hadjar, en est une. Elle semble leur donner raison. Avec ses 16 milliards de dollars de revenus et ses 32 millions de tonnes de ses produits sidérurgiques exportés à travers le monde ainsi que sa probable cotation à la Bourse de New York et Euronext Amsterdam sous le symbole « MT », Mittal Steel Company est devenu le complexe sidérurgique le plus global au monde. Cette radicalisation de la position des syndicalistes dans leur approche du dossier partenariat semble échapper à leur employeur indien. Par la voix de Sanjay Kumal, président-directeur général d'Ispat El Hadjar, une de ses 14 usines implantées sur les quatre continents, le Mittal Steel affirme que les négociations n'ont toujours pas été entamées. « Nous sommes effectivement intéressés par l'acquisition des actifs toujours en possession de Sider. Nous espérons que les négociations que nous devons entamer sur ce dossier ainsi que sur d'autres ne sauraient tarder. Je précise que les négociations n'ont toujours pas été entamées. En poste depuis quelques mois, j'ai constaté que le complexe dispose d'un important potentiel de production qui n'est pas exploité au mieux. C'est sur cet aspect que nous allons concentrer nos efforts afin d'améliorer notre rendement. Je dois dire que je suis déçu en ce qui concerne la prise en charge de la maintenance, l'entretien et la sécurité des installations. Je ne suis pas aussi satisfait du nettoyage industriel. », a estimé M. Sanjay. Dans une autre déclaration faite à quelques heures du nouvel an 2005, l'on a perçu dans les propos de M. Sanjay une nuance qui trahissait, dans le non-dit, les premières inquiétudes du groupe indien. Après trois années de croissance forte par rapport à celle connue jusqu'ici par le complexe sidérurgique et des profits record, Mittal Steel exprime en filigrane des doutes. A une question sur les possibilités de création de postes de travail dans le complexe, le patron de Mittal Steel El Hadjar a donné l'impression de vouloir prendre ses distances : « Tout dépendra des départs et des retraites. Chaque poste libéré sera systématiquement pourvu. » Il opinera de la tête aux propos de Aïssa Menadi, secrétaire général du conseil syndical Ispat, qui a avancé de nombreuses difficultés techniques de gestion. « Nous devons réaliser 1,5 million de tonnes en 2005. Production facilement réalisable au regard de la réhabilitation des différents équipements et de la mise en exploitation récente du 2e haut-fourneau. Cependant, l'approvisionnement en minerai pose problème. Depuis plusieurs mois, au lieu des 5 rames-jour en provenance de Ouenza, nous n'en réceptionnons que 2. Ce qui est de loin très insuffisant. Les travailleurs sont mobilisés pour atteindre ce résultat. Particulièrement quand on sait que toutes les questions liées à leurs conditions de travail et l'amélioration de leurs situations salariale et professionnelle ont été solutionnées. » Ces deux déclarations qui se complètent lèvent tout doute quant à la position future du syndicat Ispat dans la cession des autres unités restantes à Sider au profit de Mittal Steel. « On en discute tranquillement avec les différentes instances, mais rien ne presse. Tout ce que nous pouvons dire est que nous sommes satisfaits de ce partenariat, de la gestion du complexe et de l'amélioration des conditions socioprofessionnelles des travailleurs » a répondu Aïssa Menadi à une question sur l'opportunité de cette cession. Une plaidoirie, beaucoup plus qu'une déclaration, pour défendre la cause du partenaire étranger et pour attirer l'attention des hommes politiques algériens. A Mittal Steel El Hadjar, les rôles sont apparemment bien distribués et, après trois années de partenariat, les discours largement prévisibles. En tout état de cause, plus de 3 années après, les unités en production au complexe d'El Hadjar Alfasid, Coprocid, Fersid, Alfatub, AMM, GCL, Cryside, Almain, Gesit, tournent à plein régime et sans que l'Etat algérien, et encore moins Mittal Steel, n'aient eu à injecter d'autres finances. Mittal Steel se contente d'utiliser les bénéfices qu'il a su tirer non seulement d'une hausse de sa production, mais aussi de la baisse, à peine à 5%, des rebuts alors que ce taux était de 80% du temps de Sider.