Conviviale ambiance, mercredi soir, au restaurant Esselouane à Alger, pour la célébration du dix-huitième anniversaire d'El Khabar. Les amis du premier quotidien du pays étaient nombreux parmi les artistes, universitaires, professionnels de la presse, ministres et députés. « L'événement » du jour était fort commenté : la présidence à vie consacrée par la révision de la Constitution lors d'un cérémonial folklorique au Club de pins. Certains paraissaient abattus, d'autres, plus optimistes, pensent à l'avenir. Mais la fête était là. Après tout, « la vie continue », comme chantait Michel Delpech. Abderrachid Segni, voix reconnue du malouf, a mis beaucoup de couleurs constantinoises dans une salle qui avait plutôt un décor banal. Les restaurants algériens ont cette réputation d'être kitsch côté design. Entre deux tours de chant, des distinctions ont été remises aux journalistes lauréats 2008 du prix Omar Ourtilane de la liberté de la presse, Hamid Yacine (Boualem Ghomrassa de son vrai nom) d'El Khabar et Mustapha Benfodil d'El Watan. « Pourquoi pas des journalistes jeunes ? », a annoncé Abdelaziz Boubakir, membre du jury que préside l'ancien ministre de la Communication Abdelaziz Rahabi. Louisette Ighilahriz, celle qui a dénoncé les tortures de l'armée coloniale française sans être soutenue par ce qui est appelée « la famille révolutionnaire » qui applaudit aujourdhui « l'officialisation » de l'histoire, Zaherdine Smati, président du conseil d'administration d'El Khabar, Zoubir Souissi, journaliste-actionnaire au Soir d'Algérie et Chérif Rezki, directeur de la publication d'El Khabar, ont remis les trophées aux deux journalistes. Deux trophées en bronze conçus par le jeune artiste Malek Yahia. Les lauréats n'ont pas pu s'adresser aux présents. D'habitude, comme l'a expliqué Chérif Rezki, il n'existe pas de prise de parole après la remise des prix. « Le prix porte le nom de Omar Ourtilane, un modèle du journaliste professionnel. C'est lui qui m'a initié au métier et qui m'a recruté en 1994. Il m'a donné la chance de travailler dans un grand journal. Cette distinction est le couronnement d'un effort personnel. Le cadre idéal d'El Khabar m'a permis d'évoluer dans ce métier », nous a déclaré Hamid Yacine. Mustapha Benfodil a préparé un petit texte dans lequel il apporte un soutien à Mohamed Benchicou, dont l'essai Journal d'un homme libre a été censuré sur ordre de Khalida Toumi, ministre de la Culture. « C'est un motif de fierté de recevoir un prix attribué par les pairs. El Khabar fait beaucoup de choses pour faire avancer la cause du journalisme. Le hasard du calendrier fait que cela coïncide avec le 20e anniversaire du 5 Octobre. En ces temps d'incertitudes, je me réjouis de cette concordance des dates. Mauvaise nouvelle pour le régime : les gamins d'octobre, même à 40 ans, n'ont pas grandi et continuent à chahuter jusqu'à ce que démocratie s'en suive », a soutenu Mustapha Benfodil. Cherif Rezki a rappelé que son journal s'est doté, en juin 2008, d'une charte d'engagements. « El Khabar appartient à ses lecteurs. Il ne cédera à aucune pression. Il est au service de la liberté d'expression et dénoncera toutes les formes de censure. Il aura toujours le courage d'aborder les sujets avec rigueur et dans le respect de la vérité », a-t-il déclaré. Selon lui, El Khabar est un projet médiatique, républicain, démocratique et pluraliste. « Le succès n'est pas interdit, malgré tout », a écrit, dans l'édition de jeudi, le rédacteur en chef d'El Khabar, Larbi Zouak. En 2007, le prix Omar Ourtilane est revenu au journaliste français, d'origine espagnole, Ignacio Ramonet, ex-directeur du mensuel Le Monde Diplomatique. Curieusement, l'encyclopédie Wikipédia ne mentionne pas le prix accordé par El Khabar. Elle énumère, par contre, les huit distinctions accordées aux journalistes dans d'autres pays. Il est à noter que Baâziz a également pris part à la soirée avec une nouvelle chanson qui dénonce « le régionalisme » au sein du pouvoir. « Min Tlemcen Enedroma, min douar lelpouvoir, el houkouma oulat houma (de Tlemcen à Nedroma, du douar au pouvoir, le gouvernement est devenu un quartier) », a chanté Baâziz, fortement applaudi.