Au troisième jour du procès de Hisham Talaât Moustafa, milliardaire et notable du régime de Hosni Moubarak, le juge a décidé d'imposer un black-out médiatique sur l'affaire. Le Caire. De notre correspondante Le milliardaire accusé d'avoir commandité l'assassinat de la chanteuse libanaise, Suzanne Tamim, et qui comparaît aux côtés du présumé tueur à gages qu'il aurait embauché, un retraité de la toute puissante sécurité d'Etat, Mohsen Al Sukkary, a fait du tribunal du Caire sud une attraction majeure des médias depuis la reprise du procès, samedi dernier. Les journalistes, caméramen et photographes se bousculent aux portes du tribunal dès 4h30 chaque matin espérant accéder à la salle avant que les officiers de police en charge ne décident que le « quota » de journalistes autorisés à assister à l'audience est atteint, renvoyant à chaque fois, de manière musclée, tous les retardataires arrivés seulement à… 6 h ! C'est donc dans un état d'incrédulité totale que les journalistes qui s'étaient battus aux aurores pour pouvoir assister au déroulement de l'audience du dimanche matin se sont vu mettre à la porte par le juge. L'audience avait commencé à 9h et, alors que le deuxième témoin s'apprêtait à être entendu, un avocat fit une entrée tonitruante dans la salle, exhibant un livre intitulé L'innocence de Hisham dans le meurtre de Suzanne et, prenant juge et procureur à témoins, il décréta qu'il s'agissait là d'une évidente tentative d'influencer l'opinion publique en faveur du milliardaire. Le livre a été écrit par l'un des seconds couteaux de la pléthore d'avocats qui défendent Hisham Moustafa et non par un journaliste. Mais le procureur ne s'est pas fait prier pour se joindre aux récriminations de l'avocat, déclarant que « la couverture médiatique en général du procès est largement partiale, elle est de nature à influencer l'opinion publique en faveur de l'un des accusés » et exigeant de la cour de prendre « les dispositions qui s'imposent ». C'est ainsi que le président de la cour a décrété l'interdiction à tous les médias, écrits, audiovisuels ou autres, de publier des informations relatives au procès. Quelque peu abasourdis par la décision qui semblait être préparée à l'avance mais qu'aucun journaliste n'a vue venir, les journalistes égyptiens ont réagi par la voie de leur syndicat qui a publié un communiqué condamnant le black-out médiatique et menaçant de boycotter tous les travaux du tribunal du Caire sud. L'affaire avait jusque-là suscité une couverture médiatique d'une incroyable densité, certains journaux ayant publié avant même l'ouverture du procès pendant plusieurs jours et sur des pages entières le détail des procès-verbaux de police, des dépositions des accusés, témoins, experts, etc. Dans sa cage en fer, séparé par une grille de son co-accusé Mohsen Al Sukkary, l'homme d'affaires Hisham Moustafa a pris l'habitude d'ouvrir un petit Coran et de baragouiner quelques versets avant chaque audience, pour ensuite se mettre à fumer de manière presque ininterrompue, affichant souvent un état d'inconfort et de nervosité visibles. La décision présentée comme allant contre la « défense de Hisham Moustafa », va probablement le soulager quelque peu.