La problèmatique de « l'Opep du gaz » comporte des enjeux qui renvoient directement à la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Europe, qui appréhende à travers cet accord l'émergence d'un axe fort entre Alger et Moscou, capable d'imposer ses prix et ses quantités aux clients européens. Les appréhensions européennes ont pour origine le fait que l'Algérie et la Russie soient des fournisseurs incontournables. Ils représentent les deux plus grands fournisseurs des pays européens. L'Algérie et la Russie sont, avec la Norvège, ses principaux fournisseurs, avec respectivement 160 et 60 milliards de mètres cubes par an. En 2005, l'Algérie, 3e fournisseur de gaz de l'Europe, avait exporté vers l'UE plus de 55 milliards de mètres cubes (19,1% des importations de l'UE) et avec les nouveaux gazoducs, les exportations pourraient atteindre 78,5 milliards de mètres cubes. L'Algérie fournit à l'Europe 30% de ses besoins en gaz naturel, ce qui représente 70% de ses exportations. Gazprom avec 125 milliards de mètres cubes et Sonatrach avec 61 milliards satisfont 36% des besoins de l'Union. Quant à la Russie, qui est le premier producteur mondial de gaz et le deuxième producteur de pétrole (derrière l'Arabie saoudite), elle détiendrait entre 7,5 et 15% des réserves mondiales de pétrole, et 27 à 40 % de celles de gaz. De ce fait, elle apparaît comme un fournisseur incontournable pour l'Europe. Dans cette hypothèse d'une organisation autour du marché gazier, l'Union européenne pourrait être amenée à revoir sa politique énergétique. Pour rappel, le Qatar, où s'est ouverte la première réunion ministérielle en deux ans du « forum des pays exportateurs de gaz », avait déjà rejeté l'idée d'un cartel. « Je déteste le mot cartel », avait notamment déclaré le ministre de l'Energie qatari, Abdullah ben Hamad al Attiyah, tout en admettant que le sujet serait débattu. « Nous devons travailler à une coopération plus étendue pour stabiliser le marché, pour donner confiance à nos acheteurs. Nous devons adresser un message très positif à nos clients : nous sommes avec vous, pas contre vous », avait notamment déclaré le ministre du Qatar, dont le pays possède les troisièmes plus grandes réserves de gaz au monde. Le Venezuela, allié politique de l'Iran, est quant à lui favorable à une Opep du gaz et s'efforce parallèlement de créer un cartel régional avec la Bolivie. A Bruxelles, la Commission s'inquiète de ce projet qui pourrait aggraver la dépendance énergétique de l'Union européenne. La consommation de gaz des Vingt-Sept dépendait à 54% des importations en 2004. Or, elle passera à 66% en 2010 pour atteindre 75% en 2020. Si en plus un cartel voyait le jour, « la Commission pourrait revoir sa politique énergétique », a averti Bruxelles.