L'Europe centrale grelotte. La Russie n'assure qu'un dixième des volumes de gaz prévus. L'approvisionnement de plusieurs pays d'Europe commence à s'en ressentir. Plus d'une dizaine de pays sont privés de gaz. Il s'agit de l'Autriche, qui dispose de l'une des trois plus importantes plateformes gazières d'Europe continentale, la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie, la Croatie, la Macédoine, l'Italie ainsi que la Grèce et la Turquie. Ces trois derniers pays, desservis à partir de la Bulgarie, ont vu leur approvisionnement réduit à néant. Certes dans une moindre mesure, l'Allemagne et la Pologne sont également touchées. Les livraisons de gaz naturel du géant gazier russe Gazprom ont baissé «de plus de 70% en France» par rapport à la normale, a annoncé le groupe énergétique GDF Suez dans un communiqué. «Toutes les mesures nécessaires sont prises pour assurer la continuité de fourniture de gaz naturel à l'ensemble des clients de GDF Suez en France et Europe», ajoute le groupe franco-belge. Le gaz russe représente environ 15% des approvisionnements du groupe GDF Suez en Europe, précise le groupe. La vague de froid se fait sentir davantage. Les livraisons continuent de baisser. Les réserves s'épuisent. Face à la pénurie, certains pays ont même suggéré aux usines qui pouvaient utiliser des combustibles de substitution de le faire. Ainsi, l'Union européenne découvre qu'elle n'est qu'un géant au pied d'argile. Elle redécouvre sa fragilité à l'égard du géant russe, Gazprom. C'est la seconde fois que l'Europe se retrouve privée d'énergie. En 2006 déjà, un différend russo-ukrainien avait fortement perturbé l'approvisionnement en gaz de plusieurs pays d'Europe. A Bruxelles, on estime «déraisonnable de mettre tous ses oeufs dans le même panier», en confiant le sort de la politique énergétique européenne au pouvoir russe. La présidence tchèque de l'UE, par la voix du Premier ministre Mirek Topolanek, envisage de proposer un sommet tripartite avec la Russie et l'Ukraine si la crise n'est pas résolue. Une délégation de la présidence devait rencontrer des dirigeants du géant gazier russe Gazprom hier soir à Berlin. Faute d'un accord sur le prix en 2009 et sur les arriérés de paiement, la Russie a coupé, le 1er janvier, l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine. Moscou se sent en position de force. La Russie fournit aux Européens 40% de leurs importations gazières, qui transitent à 80% par l'Ukraine. Or, Moscou et Kiev sont en guerre. Ils se renvoient mutuellement la responsabilité du conflit: la Russie accuse l'Ukraine de «voler» une partie du gaz russe transitant sur son territoire vers le reste de l'Europe, l'Ukraine accuse la Russie de ne pas fournir le gaz nécessaire aux clients européens. Les réductions substantielles de gaz livré à plusieurs pays d'Europe centrale, en pleine vague de froid, constituent une situation «complètement inacceptable», ont indiqué la présidence tchèque de l'UE et la Commission européenne. Certes, le patron de la compagnie gazière publique ukrainienne Naftogaz, Oleg Doubina, se rendra à Moscou demain pour y rencontrer son homologue russe de Gazprom, Alexeï Miller. Mais l'Union européenne n'attend pas. Elle a déjà pris les devants. Sans attendre, la Commission européenne réfléchit à des solutions alternatives permettant à l'UE de réduire sa dépendance énergétique à l'égard de la Russie, les autorités communautaires courtisent la Norvège et l'Algérie. La visite, la semaine prochaine, de la ministre des Affaires économiques du Royaume des Pays-Bas à Alger, n'est pas fortuite. Question de timing.